Amrabed

Ahmed Amokrane

Le Sultan Abdelaziz a trouvé la mort lors de la bataille de Tazla, en septembre 1559.

Après sa mort, les Aït Abbes se fortifièrent dans les villages et envoyèrent des messagers aux turcs leur annonçant qu’ils leur remettront les clés de la citadelle à certaines conditions. Pendant ce temps, ils élièrent pour chef le frère du défunt, et retournèrent au combat.  Mais les turcs, réfléchissant qu’ils étaient là depuis huit jours sans rien faire, et que les difficultés du terrain paralysaient toutes leurs forces et leur faisaient éprouver chaque jour des pertes sans compensation, se décidèrent à reprendre la route d’Alger.

On peut citer parmi les causes qui poussèrent les turcs à se replier, l’offensive du Cherif marocains contre Tlemcen. Ils rentrèrent à Alger en apportant pour trophée la tête du sultan Abdelaziz.

A cette époque, le territoire des Aït Abbes s’étendait jusqu’à Msila. Les chefs de la Kalaa étaient capables d’aligner une armée de 6000 cavaliers et de 10 000 fantassins. Toutes les tribus du nord de Msila, de la région de Sétif, des Bibans et de la Soummam reconnaissaient l’autorité des Aït Abbes.

En 1559, juste avant la bataille qui a vu la mort du Sultan Abdelaziz, Hassan Pacha épousa la fille du chef de Koukou, jadis allié des Aït Abbes.

Cette même année, Ahmed Amokrane lève une armée de 8000 fantassins et 3000 cavaliers et marche en direction du sud. Il traverse les oasis des Zibans, prend Tolga et Biskra, et continu jusqu’à Touggourt.

Il nomme à la tête de chaque région un cheikh issu de la fidèle tribu des Hachem, que le Sultan Abdelaziz a apporté avec lui de la région de Mascara au retour d’une compagne contre le Maroc. Cette tribu restera toujours fidèle aux Aït Abbes et défendra farouchement les intérêts d’Ahmed Amokrane.

Liste des gouverneurs d’Ahmed Amokrane :

  • Cheikh de Touggourt : El Hadj Khichan El Merbaï
  • Cheikh de Tolga et Biskra : El Hadj Amar
  • Khalifa du Sahara : Abdelkader Ben Dia

En septembre 1561, alors qu’Ahmed Amokrane semblait avoir conclu un traité avec Alger, les janissaires firent un putsch contre Hassan Pacha : Ils l’attachèrent et le renvoyèrent ligoté sur un bateau vers Constantinople. La cause réside dans une mesure prise par le Pacha et qui déplut aux turcs : il autorisa les Kabyles à acheter et porter des armes à l’intérieur de la ville d’Alger, chose jusque-là interdite.

Après une période d’instabilité durant laquelle les instigateurs du putsch ont été châtiés par le Sultan turc en personne, Hassan Pacha revient à Alger pour un 3eme mandat en septembre 1562. Il faut dire que Hassan Pacha était le seul à avoir suffisamment d’expérience et de renommé pour gouverner la bouillonnante et incontrôlable Alger. Il était lui-même une synthèse de ce qu’était Alger : d’un père corsaire ottoman, d’une mère mauresque algéroise, et marié à une Kabyle.

Ce troisième règne de Hassan Pacha, qui durera cinq années, sera caractérisé par une normalisation des relations entre l’Etat d’Alger et les Aït Abbes.

Le 5 février 1563, Hassan Pacha se mit en route pour Mers El Kebir, avec la plus grosse armée jamais levée par Alger : 15 000 mousquetaires et 1000 spahis à cheval. Son beau-père le roi de Koukou lui envoya mille cavaliers, ce qui portera sa cavalerie à 10 000 hommes avec les autres chefs locaux. Les Aït Abbes participeront à cette expédition aux coté des turcs, sans que nous connaissions avec exactitude le nombre d’homme envoyés par Ahmed Amokrane.

En Janvier 1567, Hassan Pacha quitte Alger pour Istanbul, où il est promu Grand Amiral de la flotte ottomane, comme ce fut le cas pour son père. Il mourra en 1570 à l’âge de 54 ans.

En 1572, les Aït Abbes, ainsi que Koukou, participeront à une expédition algéroise contre Tunis.

En 1573, Ahmed Amokrane lève une armée pour soumettre les Ouled Naïl. Il s’empare de tous les territoires situés entre Boussaâda et Djelfa, et mène ainsi le royaume des Aït Abbas à son apogée.

A cette époque le royaume des Aït Abbes était vraiment un royaume. Avec Ahmed Amokrane à sa tête, sa politique n’était guère différente de celle de ces ancêtres les Hafsides. La Kalaa était suffisamment riche et prospère pour entretenir une importante armée composée de 6000 cavalier et de 10 000 fantassins. Ahmed Amokrane avait étendu le royaume jusque chez les Ouled Naïl, à l’est de Djelfa, et jusqu’à Touggourt au Sud.

La Kalaa connait une évolution architecturale sous son règne, dont l’influence est clairement andalouse. C’est notamment sous son règne que sera édifiée la grande mosquée de la Kalaa, qui existe encore aujourd’hui. Le raffinement architectural que connaitra la Kalaa sous son règne va grandement influencer l’architecture des villages kabyles des Bibans.

Le 16 septembre 1580, l’un des fils d’Ahmed Amokrane viendra à Alger rencontré Djaafer Pacha, récemment nommé à la tête de la ville. Il lui offrit un important présent en guise de salutation de bienvenue, en retour duquel le roi d’Alger lui donna un riche sabre et un vêtement à la turque. Cet usage était de cour depuis qu’Ahmed Amokrane a conclu une alliance avec Hassan Pacha. Cette tradition qui prendra pour nom « El Aouyad » était réservée aussi aux consuls étrangers résidant à Alger. Le présent que fit le fils du chef des Aït Abbes au nouveau Pacha est de 400 écus d’or, 400 chameaux et 1000 moutons, ce qui dénote du niveau de prospérité de la Kalaa des Aït Abbes en cette année 1580.

En décembre 1590, Khizr Pacha entreprendra une expédition contre la Kalaa des Aït Abbes en rompant le traité de paix signé 30 ans avant. Il forma une armée de 12 000 fusiliers, 1000 spahis et 4000 cavaliers arabes.

Ahmed Amokrane l’attendait à la tête de 30 000 cavaliers rassemblé dans les plaines de Medjana et de la Hodna qu’il contrôlait, ainsi que d’une importante infanterie kabyle.

Khizr Pacha n’osa pas attaquer directement la Kalaa, il se borna à cerner le pied de la montagne, au moyen de retranchement. Pendant ce temps, les troupes turques ravageaient la campagne environnante à loisir. Du Haut de la Kalaa, Ahmed Amokrane assistait à ces dévastations sans pourvoir faire autre chose qu’envoyer ses fantassins contre les turcs chargés de la garde de la défense des retranchements.

Si Ahmed Amokrane parait être en difficulté, les turcs ne sont pas plus joyeux. Ils peinent à garder les retranchements, essuient de lourdes pertes et n’arrivent pas à prendre d’assaut la Kalaa.

Les janissaires coupaient sans pitié les arbres fruitiers et pillaient les villages. C’est alors qu’un Marabout de la vallée de la Soummam vint s’interposer entre les parties belligérantes. Les conseils du marabout furent écoutés de part et d’autre, car les hostilités qui duraient depuis deux mois fatiguaient les kabyles et les turcs. La paix se fit donc à la condition que le chef des Aït Abbes paierait 30 000 écus couvrant les frais de l’expédition.

En représailles, les Aït Abbes coupèrent la route de Constantine aux turcs, forts de leur contrôle sur le stratégique passage des portes de fer, ce qui obligera les turcs à bâtir en 1594 un fort non loin de là, sur les ruines de l’antique Auzia, qui prendra le nom de Sour El Ghozlane.

Lors de son deuxième mandat à Alger, Khizr Pacha va soulever la population contre le Diwan. Ce soulèvement sera sévèrement réprimé par son successeur, Mustapha Pacha. Nombre d’insurgés se réfugieront chez les Aït Abbas, fuyant la répression aveugle des janissaires. Ils savaient qu’ils y trouveraient la protection sûre et amicale chez ces ennemis irréductibles des turcs. Ils racontèrent à Ahmed Amokrane les faiblesses du dispositif de défense d’Alger. Ils diront aussi que le corps des janissaires a dû subir un sérieux choc à la suite des actions d’épurations entrepris par Mustapha Pacha. Ils raconteront aussi beaucoup d’autres détails qui feront penser à Ahmed Amokrane que le climat de mésentente qui régnait à Alger ne pouvait que constituer une occasion propice pour prendre une revanche contre ces Pachas turcs. Cette fois-ci, en poussant l’audace jusqu’à vouloir les frapper dans leur propre capitale.

C’est ainsi que les Aït Abbes se présentent en 1598 aux portes d’Alger. Avec l’appui des algérois, ils réussirent à forcer la porte Bab Azzoun et pénétrèrent dans la ville. Le siège d’Alger va durer 11 jours, mais les Aït Abbes ne parviendront pas a occupé durablement la ville. Ils finissent par lever le siège non sans emporter un important butin. Ils dévastent la Mitidja pendant plusieurs semaines encore avant de rentrer en Kabylie.

En l’an 1600, le pacha Soliman Veneziano est nommé à la tête d’Alger. Il entreprend immédiatement une compagne contre les Aït Abbes. Informé par les Tacewwaft, ces vigies qui se tenaient sur les hauteurs des montagnes et qui transmettaient le message de crête en crête jusqu’à la Kalaa ; Ahmed Amokrane leva une armée et marcha au-devant de l’ennemi.

L’armée d’Ahmed Amokrane rencontrera celle de Soliman Pacha près de l’Oued Sahel. Les Aït Abbes parvinrent à prendre le dessus sur l’armée ottomane qu’ils repousseront loin derrière Bouira. Cependant cette victoire, pour si éclatante qu’elle fut, apportera une nouvelle fois le deuil à la Kalaa. Ahmed Amokrane trouva la mort à l’issue de cette bataille.

Ce sera après ses frères El Fadhel et le Sultan Abdelaziz, le troisième fils d’El Abbes à trouver la mort, les armes à la main, pour préserver une indépendance face à l’avancée ottomane. Ahmed Amokrane laissera pour héritage le patronyme Amokrane, arabisé Mokrani, que portent encore aujourd’hui ses descendants.


Bibliographie

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