Cette période voit l’effritement des états et des pouvoir centraux en Afrique du Nord qui sortirent épuisés des luttes intestines qu’ils s’étaient livrées durant plus d’un demi-siècle.
De nombreuses villes se sont déclarées indépendantes, à l’instar de Ténès et Cherchell.
La principauté d’Alger à la charnière des royaumes Zianides et Hafsides, qui eut pendant tout le moyen-âge a passé d’une tutelle a l’autre, tout en gardant des projets d’indépendance, illustre bien ce morcellement du pouvoir central.
Comme toutes les villes côtières, elle se trouve malgré elle aux premières lignes du front ouvert par l’Espagne conquérante. Elle est dirigée à ce moment par un cheikh, Salim El Toumi, qui a pris son autonomie par rapport aux Zianides en 1505.
Petite ville sans grande ambition, elle se trouve propulsée sur les devants de la scène méditerranéenne par la force des évènements.
L’offensive espagnole sur les côtes maghrébines eux pour objectif de poursuive la Reconquista jusqu’en Afrique. De 1497 à 1510, de nombreuses villes tombèrent aux mains des chrétiens.
C’est dans ce contexte alarmant que le cheikh d’Alger, Salim El Toumi, se rend à Bejaia pour faire allégeance à Pedro Navarro qui venait de prendre l’ancienne capitale des Hammadides. Il accepte de payer à l’Espagne un fort tribut, de libérer tous les captifs chrétiens,et de permettre la construction d’un fort sur l’une des iles qui fait face à Alger. Il se rendit en compagnie du prince de Ténès à Burgos, où il présenta sa soumission, au roi d’Espagne.
En 1511, une délégation d’Algérois a été reçue à Valence par le monarque espagnol, auquel elle livre 50 prisonniers chrétiens détenus à Alger.
Pedro de Navarro fit construire un fort sur l’une des iles qui faisait face à Alger. Ce fort pris le nom de Peñón de Argel, le Peñon d’Alger. Il y plaça une garnison de 200 soldats espagnols. Ce fort avait pour objectif de contrôler les opérations maritimes d’Alger, et de les empêcher d’attaquer les chrétiens.
Cette soumission n’était pas du gout des notables d’Alger, qui vivaient principalement de la piraterie et du commerce maritime. Les espagnols ne se privèrent pas de commettre des exactions et de bombarder Alger lorsque des pirates algérois faisaient des raids sur des navires chrétiens. C’est dans ce contexte que les notables d’Alger firent appel aux frères Barberousse, dont les exploits était déjà connus en méditerranée.
Aroudj
Selon Haëdo, le père de Aroudj, Jacob, était grec, natif de l’île de Mytilène, et se serait converti à l’islam.
Entre 1502 et 1503, Aroudj et ses frères s’emparent de Djerba. Aroudj s’enrichit et fut vite à la tête d’une troupe de fidèles de plus en plus nombreux grâce à leur audace sur les côtes siciliennes et italiennes d’où ils ramenaient des galiotes, des prisonniers et un butin considérable.
En 1504, le sultan de Tunis lui accorde l’autorisation de se ravitailler dans les ports du royaume Hafside. Il lui donne même le commandement des îles Gelves à la suite d’une victoire sur les espagnols.
En 1512, il est sollicité par le roi de Constantine, Abou Bakr, pour reprendre Bejaia, alors occupée par les espagnols. Il échouera à 2 reprises puis s’installe à Jijel. Les habitants de Jijel en firent leur roi.
C’est là qu’il reçut une députation de nobles d’Alger, encouragés par la mort de Ferdinand le Catholique, venus lui demander de chasser les espagnols du Penon.
La ville qui avait reçu son lot de réfugiés andalous fuyant l’Inquisition, était, comme nous l’avons dit, commandée par le cheikh Salim El Toumi, de la tribu des Taalba.
C’était une petite ville composée d’une population d’environ 20.000 habitants selon Léon l’Africain, qui la visita entre 1514 et 1515.
On y trouvait à côté des Berbères Sanhadja des Beni Mezghena, des descendants de tribus arabes hilaliennes Maaqil installées dans la Mitidja vers le XIVe siècle et qui s’était intégrées aux populations berbères déjà présentes. On retrouve ensuite les Morisques qui s’étaient sauvé des régions de Catalogne, de Valence et de Grenade. Avec ses réfugiés espagnols se trouvait une petite population juive séfarade, qui est venu s’ajouter aux juifs autochtones, plus nombreux et qui sont présent à Alger depuis fort longtemps.
Aroudj accepta l’offre, mais se rend d’abord à Cherchell qu’il enlève à un ancien compagnon, Kara Hassen. Il se rendit ensuite à Alger où il fit une tentative d’attaque sur le fort espagnol du Penon le 12 août 1516, qui se solda par un échec.
Aroudj, dont les ambitions ne sont pas limitées à la prise du Penon, élimine physiquement Salim El Toumi en l’étranglant dans son bain et se proclame roi d’Alger. Cette évènement s’est déroulé dans le palais de Djénina, qui fut bâti sur les ruine d’un ancien palais d’époque romaine, et qui a était démoli en 1857. Il se trouvait dans la basse casbah à côté de l’actuelle place des martyrs.
Après ça, Aroudj, proclamé roi d’Alger, renforce les défenses de la ville et fait battre monnaie.
Le fils de Salim El Toumi trouva refuge à Oran alors occupée par les Espagnols. Il proposa au gouvernement de la place, le marquis de Comares, de conquérir Alger. Il fut même reçu par le fameux Cardinal Jimenèz qui après accord du roi d’Espagne, envoya un corps expéditionnaire de 10 000 hommes dirigés par Don Francisco de Vero afin de remettre le jeune prince à la tête de gouvernement d’Alger. Aroudj réussi à repousser l’attaque à la faveur d’une tempête qui décima les Espagnols. Cela se passe en octobre 1516.
Ayant décidé d’étendre ses conquêtes vers l’ouest, il charge son frère Khair-Eddine, qui s’était installé entre-temps à Dellys, de gouverner avec l’appui du chef kabyle Ahmed Belkadi.
Aroudj réussi à vaincre le roi de Ténès dans la plaine du Chélif en juin 1517 et prend possession de la ville.
Une délégation d’habitants de Tlemcen vint lui demander secours contre le Sultan Zianide Abou Hammou, coupable d’entretenir des relations avec les Espagnols d’Oran.
Ayant reçu par mer des vivres et des canons de Khair-Eddine, il se dirigea vers la Qalaa des Béni Rached, y laissa son frère Ishaq, avec 200 soldats, et marcha sur Tlemcen.
Le roi de Tlemcen fut battu et Aroudj entra dans la capitale des Zianides en vainqueur en septembre 1517. Cette victoire inquiéta les espagnols qui marchèrent contre lui.
Ne pouvant combattre contre une armée supérieure en nombre, et ayant attendu vainement les renforts du sultan marocain Moulay Ahmed de Fès, Aroudj sortit à marche forcée de Tlemcen. Il sera rattrapé et tué par les troupes Espagnols. Cela se passa en mai 1518.
Khair-Eddine
En cette année 1518, Khair-Eddine était terriblement seul. Aroudj et Ishaq étaient morts et le danger espagnol pressant. Son allié, Ahmed Bel Kadi était devenu son pire ennemi, sans doute pour venger l’assassinat du Cheikh Salim El Toumi, parent de Ahmed Bel Kadi et assassiné par Arouj. Les habitants de Tlemcen ont pris le parti des espagnols après les exactions commises par les troupes de Aroudj dans la ville.
Pour se protéger, Khair-Eddine envoya une délégation auprès du sultan de Constantinople, Selim 1er, qui venait de conquérir l’Egypte, pour lui demander de mettre Alger sous sa protection.
Entre temps, les espagnoles préparent une expédition navale appuyée au sol par les troupes du roi de Tlemcen. Une armada de 30 navires et de 8 galères commandée par Hugo de Moncade, Chevalier de Malte, se présenta au rade d’Alger le 17 août 1518.
Khair-Eddine, profitant de ce que les troupes du roi de Tlemcen ne soient pas arrivées, attaque les Espagnols et fait un carnage. Une forte tempête empêche les navires espagnols de s’enfuir, et les algérois firent 3036 prisonniers.
Ahmed Bel Kadi obtient le soutien du sultan Hafside de Tunis et parviens à vaincre Khair-Eddine. Ce dernier est vaincu et doit se réfugier à Jijel.
Alger est occupé pendant 5 ans par le chef kabyle Ahmed Bel Kadi de 1520 à 1525 et est rattachée au royaume de Koukou. Bel Kadi persécute les soutiens de Khair-Eddine présent à Alger, ce qui lui vaut une impopularité grandissante dans les milieux algérois. De cette période il reste l’appellation de la colline au-dessus de Bab El Oued, le Djebel Koukou.
En 1525, Khair-Eddine lève une armée, avec le soutien de Jijel, Annaba, Constantine et des Aït Abbes, et débarque à Dellys. Il réussit à battre Bel Kadi à Aït Aicha, l’actuelle Thenia, et rentre en triomphateur à Alger. Dans la foulée, il reprend Ténès et Cherchell, soumet Mostaganem en 1526, et signe la paix avec les rois de Koukou et des Aït Abbes.
Alger devient alors la capitale d’un royaume en pleine expansion, sous tutelle du sultan turc.
En mai 1529, Khair-Eddine prend possession du Penon après un intense bombardement qui dura 6 jours, du 6 au 16 mai 1529.La riposte espagnole fit s’écrouler le minaret de la Grande mosquée d’Alger.
Les 200 soldats espagnols fait prisonnier sont, tous comme les 3000 capturé en 1518, réduits en esclavage. Beaucoup d’entre eux mourront d’épuisement ou sous les coups de fouet en creusant les trancher qui entoure les murailles d’Alger, ou en construisant la jetée qui va relier l’ile qui fait face d’Alger au continent, jetée qui porte encore aujourd’hui le nom de Barberousse.
Khair-Eddine quitte Alger en 1533 pour se rendre à Constantinople, à la demande du sultan Soliman le Magnifique. Le 6 avril 1534, il fait une entrée remarquée dans la capitale de l’empire accompagné de ses capitaines corsaires. Là, il est investi du titre de Beylerbey avec la dignité de Pacha.
Alger entrait ainsi officiellement dans l’empire ottoman.
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- Alexandre Rang, Ferdinand Denis. Fondation de la régence d’Alger : histoire des Barberousse. Tome 1 : https://babel.hathitrust.org/cgi/pt?id=uc1.$b567704&view=1up&seq=11&skin=2021. Tome 2 : https://babel.hathitrust.org/cgi/pt?id=uc1.$b567705&view=1up&seq=11&skin=2021
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