Amrabed

La conquête de la Kabylie 1857

En février 1855, les Aït Iraten, une confédération de cinq tribus, se révoltent contre l’autorité de Mohamed Oukaci et chassent de leur territoire les trois caïds investis à Alger par l’autorité française. Ce mouvement insurrectionnel, initié par le marabout Si Seddik Arab, chef des Aït Iraten, prend rapidement de l’ampleur et s’étend à toute la vallée du Sebaou en 1856, soutenu par Lalla Fadhma n’Soumer dans le Djurdjura et par Si El Hadj Amar, le Mokadem de la Rahmania, dans le bassin de Boghni.

La Kabylie était alors composée de tribus pleinement soumises aux Français, de tribus officiellement soumises mais indépendantes de fait, comme l’étaient les Aït Iraten avant leur révolte, et de tribus totalement indépendantes, telles que les tribus des Igawawen.

En septembre 1856, les généraux Yusuf, Gatsu et le maréchal Randon dévastent le territoire des Guechtoula (Igucdal), et obligent, par la terreur, cinq des six tribus qui composent cette confédération à se soumettre. Seuls les Aït Bouaddou (At n Waḍu) restent insoumis.

C’est dans ce contexte que le maréchal Randon, alors gouverneur général de l’Algérie, entreprend la conquête totale et définitive de toute la Kabylie.

Attaque des Aït Iraten

Les Aït Iraten étant la confédération la plus proche de la garnison de Tizi Ouzou, il fut décidé que ce serait la première tribu à être attaquée. Aussi, le samedi 21 mai 1857, les troupes françaises commencèrent à prendre position dans la plaine du Sebaou , au pied du massif des Aït Iraten.

Les Aït Iraten n’étaient pas seulement la confédération la plus proche de Tizi Ouzou, ils constituaient le cœur du mouvement insurrectionnel, directement sous les ordres du chef de la rébellion, Si Seddik Arab. Il s’agissait également, et surtout, d’une confédération où l’armée française n’avait jamais pénétré.

L’attaque fut reportée jusqu’au 24 mai en raison de la météo. Entre-temps, les Aït Iraten eurent le temps de préparer leur défense en bloquant, à l’aide de retranchements, tous les accès possibles à leur territoire.

Le lundi 24 mai 1857, jour de l’Aïd, à 4 heures du matin, les troupes françaises prirent position au pied des collines des Aït Iraten. Les premières escarmouches commencèrent aussitôt avec les Kabyles qui montaient la garde.

Les troupes du maréchal Randon comptaient 25 000 hommes, répartis en quatre divisions sous le commandement des généraux Mac-Mahon, Renault, Maissiat et Yusuf, ainsi qu’une colonne de contingents arabes et cinq sections d’artillerie.

À 5 heures du matin, l’assaut fut lancé sur les hauteurs des Aït Iraten. La première attaque se concentra sur le village de Cheraouia (Tacerɛiwt), qui avait été fortifié pour résister aux assauts. Mais, les retranchements avaient été sévèrement pilonnés par l’artillerie, et l’infanterie française réussit à pénétrer dans le village. À peine une demi-heure plus tard, à 5h30, la crête reliant Cheraouia (Tacerɛiwt) au village de Belias était sous occupation française.

Face à l’artillerie et aux armes de longue portée, les Aït Iraten utilisèrent des meules reliées par des troncs d’arbres, qu’ils balançaient sur les troupes françaises lors de leur ascension de la montagne.

À 6h15, Afensou était déjà occupé, sans que les Aït Iraten aient eu le temps de préparer la défense du village. Les kabyles prirent la disposition d’évacuer le village d’Igounan, trop exposé, ce qui permit à l’infanterie de le traverser et d’atteindre Afensou évitant les zones de combat.

L’attaque rapide des Français avait surpris les Aït Iraten, mais elle avait en même temps sérieusement fatigué les lignes françaises, qui s’étaient arrêtées à Afensou, permettant ainsi une violente contre-attaque des Aït Iraten.

En même temps, la division du général Yusuf réussit à prendre le village d’Ighil Guefri, qui était bien défendu. Vers 6h30, les villages de Taguemount Boudfel et Tighilt El Hadj Ali furent occupés. La division arriva à Afensou vers 7h.

La division du général Renault lança l’assaut contre les Irdjen à 6 heures du matin. Elle rencontra plus de difficultés à avancer, faisant face à une vive résistance près des villages Taguemount El Djemaa et Tiguer Hala, qui avaient été fortifiés. Elle réussit avec difficulté à occuper les deux villages, ainsi que ceux de Tamazirt et Aït Saïd Ou Zegane, avant de se retrancher dans ses positions.

Vers 7 heures, le village d’Imâinsrène (Imɛinsren) avait été abandonné et occupé par les Français. Les fantassins des Aït Iraten se regroupèrent alors dans la zaouia de Si Seddik Arab, qui bloquait la route de Souk Larba (Suq Larebɛa), où se trouve aujourd’hui Larbâa Nath Irathen. Cette zaouia était l’objectif principal de la division Mac-Mahon. Le maréchal Mac-Mahon nourrissait une revanche personnelle envers Si Seddik Arab, après avoir été blessé en 1854 par les contingents kabyles dirigés par ce dernier. Il cherchait à assouvir sa vengeance en prenant sa zaouia.

À 7h15, l’artillerie commença à pilonner la zaouïa, où le nombre de fantassins augmentait à chaque instant, tandis que la fusillade faisait rage autour d’Imâinsrène.

La division de Mac-Mahon finit par occuper la zaouia après un combat acharné, et se retrancha dans ses positions, mettant fin à l’assaut. Dans la journée, les Aït Iraten menèrent plusieurs contre-attaques, épaulés par les Igawawen et les Aït Yahia. La première attaque, décrite par les Français comme étant énergique, fut dirigée contre Imâinsrène. Les Français étaient à présent assiégés dans les villages qu’ils avaient occupés.

Vers 11 heures, les Aït Iraten et leurs alliés menèrent deux contre-attaques pour reprendre la zaouia. Les combats autour de cette position furent décrits comme particulièrement violents, où le commandant Rebeval, arrivé en renfort pour soutenir les assiégés, fut tué.

En même temps, plusieurs attaques furent menées contre le village de Cheraouia (Tacerɛiwt), causant de lourdes pertes aux Français. Le village fut initialement abandonné par les Français, puis réoccupé. Les Kabyles réussirent tout de même à reprendre le village d’Igounan.

Kabyles soumis

Pendant ce temps, les Maatkas, soumis aux Français, incendièrent les villages des Aït Douala et des Aït Mahmoud, de la confédération des Aït Aïssi, tandis que les Aït Jennad dévastèrent le territoire des Aït Fraoucen. Les tribus soumises avaient été obligées par les Français à participer à l’effort de guerre en attaquant les tribus insoumises, afin de les empêcher de prêter main forte aux Aït Iraten.

Vers 15 heures, la division de Mac-Mahon avait abandonné ses positions pour se regrouper autour d’Afensou, Imâinsrène et de la zaouia de Si Seddik Arab. Une tranchée avait été creusée autour du campement, et l’artillerie était placée de manière à pouvoir pilonner Souk Larba. Toute la journée, la fusillade faisait rage autour d’Imâinsrène et de la zaouia.

Soumission des Aït Iraten

Le lendemain matin, alors que les combats n’avaient pas cessé toute la nuit, le fils du chef de Cheraioua (Icerɛiwen), un village qui n’existe plus aujourd’hui, se présenta au camp du général Mac-Mahon pour négocier. Il expliqua que les Aït Iraten étaient divisés entre ceux qui voulaient se soumettre et ceux qui voulaient continuer le combat.

Les deux parties finirent par s’affronter par les armes, donnant l’occasion aux français de soutenir par l’artillerie le parti qui voulait se soumettre.

Les combats reprirent de plus belle dans la matinée du côté des Irdjen, contre la division de Renault, qui fut attaquée sur plusieurs fronts. Les Français réussirent à prendre les villages d’Ibachiren et d’Aït Hague.

À midi, le 25 mai, les combats s’arrêtèrent. On s’entendit sur un cessez-le-feu de 24 heures. Environ une cinquantaine de chefs des Aït Iraten, certains blessés ou portant encore des burnous tachés de sang, se rendirent auprès du général Mac-Mahon pour entamer des négociations, qui les conduisit ensuite au maréchal Randon.

Le mardi 26 mai 1857, les Aït Iraten acceptèrent les conditions du maréchal Randon, et leur soumission est devenue effective. Ils furent suivis par les Aït Fraoucen, qui, se voyant trop vulnérables, présentèrent également leur soumission.

 Ils acceptèrent, entre autres, de :

  • Reconnaître l’autorité de la France sur leur territoire ;
  • Permettre l’ouverture de routes, la construction de forts militaires et d’assurer la libre circulation des Français sur leur territoire ;
  • Fournir du bois et de la nourriture pour l’armée ;
  • Payer une contribution de guerre de 150 francs par fusil ;
  • Livrer un certain nombre d’otages.

Les Aït Iraten perdirent 1200 hommes mis hors de combat, dont on peut évaluer le nombre de mort à 400, contre 66 morts côté français.

La soumission des Aït Iraten amena celle des Aït Fraoucen, Aït Bou Chaïb, Aït Khellili, Aït Ghobri, la confédération des Aït Sedka, à l’exception des Ouadhias (Iwaḍiyen), ainsi que la confédération des Aït Aïssi.

Le 28 mai au matin, la division de Mac-Mahon s’établit sur les hauteurs d’Aboudid, non sans rencontrer de résistance. Si Seddik Arab refuse de se rendre, et les Aït Aggouacha lui sont encore fidèles et demeurent insoumis. Des renforts venus des Igawawen sont stationnés chez les Aït Aggouacha.

Le 30 mai, la division du général Yusuf s’établit à Souk Larba, où il fut décidé d’établir le quartier général de l’armée.

Les jours d’après, le campement d’Aboudid était pris pour cible chaque nuit, et parfois en plein jour, par les fractions des Aït Iraten encore insoumises, et par les fantassins des Igawawen, notamment les Aït Yenni, ce qui causa de nombreuses pertes côté français.

Les Français entreprirent alors la construction d’un fort militaire à Souk Larba, qui prit le nom Fort Napoléon, et qui fut rebaptisé plus tard Fort National. Ce fort, devenu plus tard une ville qui porte aujourd’hui le nom de Larbaâ Nath Irathen, fut érigée sur les terres appartenant à Si Seddik Arab. Parallèlement, une route fut ouverte de Sikh Oumeddour à Aboudid, passant par Souk Larba. Cette route fut achevée le 21 juin.

Bataille d’Icheridhen

Pendant ce temps, une importante coalition kabyle venait de se former autour de Si Seddik Arab et de Sidi El Djoudi pour barrer la route aux Français. Elle se composait des fractions insoumises des Aït Iraten, des Igawawen, notamment Aït Yenni et Aït Menguellet, ainsi que les Aït Yahia et d’autres tribus du sud du Sebaou. Il y eut même des arabes qui ont accouru pour participer à la défense des Igawawen. Cette armée, évaluée à 4000 hommes, était constituée de l’élite guerrière des tribus insoumises et obéissait aux ordres de Si Seddik Arab, de Si El Hadj Amar et de Sidi El Djoudi.

La seule route qui existait alors pour atteindre Igawawen passait par les villages d’Icheridhen et Aguemmoun Izem. C’est dans ces deux villages que la résistance allait s’organiser.

Icheridhen était le village le plus exposé. Situé au sommet d’une montagne abrupte, à 1000 mètres d’altitude, il était particulièrement difficile d’accès. Les abords de la montagne ont été lourdement fortifiés à l’aide de retranchements, et le village a été entouré d’un mur d’enceinte.

Le mercredi 24 juin 1857, vers 5 heures du matin, les troupes françaises prirent position à Agouni n’Tzemmourt, où quelques Kabyles s’étaient déjà retranchés.

A 5h45, l’artillerie ouvrit le feu sur les retranchements en contrebas d’Icheridhen.

Un peu après 6 heures, les troupes françaises commencèrent leur marche vers Icheridhen. Jusqu’à cet instant, aucun coup de feu n’avait été tiré par les Kabyles. Ce n’est qu’une fois les colonnes françaises à portée de fusils que les Kabyles, cachés derrière les retranchements, se levèrent et ouvrirent le feu.

Le combat qui s’ensuivit fut particulièrement meurtrier. Les deux colonnes françaises engagées sur la route d’Icheridhen essuyèrent de lourdes pertes durant les premières minutes de la bataille.

Après les premiers combats, qui semblent être à l’avantage des kabyles, les troupes françaises se positionnent hors de portée des kabyles. Un deuxième assaut est donné sur les retranchements d’Icheridhen, mais les Français essuient à nouveau de lourdes pertes : le cheval du général Bourbaki est tué, et le général Mac-Mahon est lui-même blessé.

C’est alors que l’artillerie se mit en place pour pilonner les retranchements. Un troisième assaut fut ordonné au moment où l’artillerie avait entamé les retranchements.

Vers 6h45, grâce à l’appui de l’artillerie, et malgré de lourdes pertes, les retranchements sont occupés par les troupes françaises. Les combats continuaient du côté du village d’Icheridhen, qui passe sous occupation française vers 8 heures. Les kabyles se retranchèrent  à Aguemmoun Izem.

Vers 11 heures, les positions françaises à Icheridhen sont prises d’assaut par les Kabyles. Cette attaque, qui fit beaucoup de morts des deux côtés, ne permit pas de reprendre le village.

Sur les 2500 hommes qui avaient pris part à l’attaque d’Icheridhen, les troupes françaises comptent 44 morts et 327 blessés. Les pertes kabyles sont évaluées à 400 morts.

Les français avaient des difficultés à évacuer les blessés en raison des nombreux kabyles toujours embusqués au fond du ravin sur la route d’Aboudid.

Pendant toute la journée du 24 juin et durant la nuit, les coups de feu ne cessèrent pas un instant, et plusieurs assauts furent menés contre les positions françaises à Icheridhen.

Attaque des Aït Yenni

Le lendemain, le jeudi 25 juin 1857, alors que les Kabyles étaient encore retranchés à Aguemmoun Izem et la division de Mac-Mahon à Icheridhen, les deux autres divisions, celles du général Renault et du général Yusuf, se mirent en marche pour envahir le territoire des Aït Yenni.

Les villages des Aït Yenni, au nombre de sept et considérés à l’époque comme les plus grands de Kabylie, furent d’abord pilonnés par l’artillerie depuis Icheridhen, Souk Larba, et également depuis Boghni, sans être sérieusement inquiétés, car ils étaient hors de portée des canons.

Les deux divisions des généraux Renault et Yusuf, qui avaient déjà commencé la veille à se masser sur les bords de l’Oued Aïssi, commencèrent à escalader la colline des Aït Yenni, faiblement défendu, car le contingent des Aït Yenni se trouvait à ce moment-là à Aguemmoun Izem entrain de livrer bataille, et avait déjà subi de lourdes pertes la veille à Icheridhen.

Le ravin entre les Aït Yenni et Icheridhen a été pilonné par l’artillerie toute la matinée afin bloquer le passage aux contingents retranchés à Aguemmoun Izem et les empêcher d’envoyer des renforts aux Aït Yenni.

Vers 8 heures, la division Renault atteignit le village d’Aït Lahsen, qui était alors le plus grand village de Kabylie, tandis que la division Yusuf arriva à Aït Larba, le principal producteur de poudre à canon de la région.

Aït Larba, faiblement défendu, fut rapidement occupé. Aït Lahsen, qui résistait mieux, où même les femmes ont été armés pour défendre le village, finit par être occupé au prix de 9 morts côté français, après avoir eu recours à l’artillerie. Quelques heures plus tard, le village de Taourirt Mimoun tomba également aux mains des Français. Les trois villages furent d’abord pillés par les Aït Iraten, puis incendiés et en grande partie détruits.

À Icheridhen, les combats faisaient encore rage entre les Français retranchés dans le village et les Kabyles retranchés à Aguemmoun Izem. Ces derniers lancèrent plusieurs attaques contre les positions françaises durant les journées du 25, 26 et 27 juin, mais ces attaques perdaient en intensité jour après jour.

Des contingents fournis par les Aït Iraten et les Aït Fraoucen, récemment soumis, prirent position sur le ravin à l’est d’Aguemmoun Izem, le 28 juin, pour épauler les troupes françaises.

Le 28 juin, la division Yusuf donna l’assaut contre le village de Taourirt El Hadjadj chez les Aït Yenni. Le village avait eu le temps de préparer sa défense et de se barricader. Il fut pris après avoir été pilonné par l’artillerie, et après que les habitants eurent eu le temps d’évacuer.

Les principaux villages des Aït Yenni étaient aux mains des Français. Ils ont tous été pillés par les kabyles soumis, notamment les Aït Iraten, brûlés et en partie détruits par les Français. Comme les Aït Yenni refusaient de se soumettre malgré l’occupation de leur territoire, et qu’ils livraient toujours bataille à Aguemmoun Izem, les Français prirent l’initiative de dévaster leur territoire.

Bataille du Col de Chellata

Le 26 juin, la division du maréchal Maissiat, qui se trouvait à Sétif, vain campé au Bordj Benali Cherif, l’actuel Akbou, chez les Illoulen Oussameur. Le lendemain, le samedi 27 juin, l’armée se mit en marche vers le Col de Chellata, passage obligé entre la Soummam et la Grande Kabylie, appelé en kabyle « Tizi n Tgiǧut», où de nombreux kabyles s’étaient réunis pour bloquer le passage aux Français.

Après un rude combat contre les défenseurs du passage, les Français prirent position dans le Col vers le milieu de l’après-midi, menaçant ainsi les tribus du Djurdjura qui étaient restées jusqu’à présent hors de portée des Français, et qui avait à ce moment-là leurs contingents qui livraient bataille à Aguemmoun Izem.

Les combats ne s’arrêtèrent pas pour autant, et de nombreux Kabyles convergeaient vers le Col pour chasser les Français.

Le 28 juin, menacés par les troupes françaises stationnées chez les Aït Abbas, les Iouakkouren, les Cheurfa et les Aït Kani présentent leur soumission.

Le 29 juin, la section Maissiat donna l’assaut sur le village de Mezeguène, village des Illoulen Oumalou, qui avait fourni des contingents pour défendre le passage du Col de Chellata. Le village fut rapidement pris, et complètement détruit. Mais dès que les troupes françaises allaient quitter le village pour regagner le camp, elles furent prises à partie par les contingents des Illoulen Oumalou, embusqués à la sortie du village. Le combat de Mezeguène fut le plus meurtrier de ceux livrés par les Illoulen Oumalou, il fit 17 morts côté français.

Durant la nuit, de nombreuses attaques furent menées contre le camp français, dirigées depuis le village d’Aït Aziz. Le lendemain, 30 juin, ce village fut lui aussi attaqué par les Français.

Contrairement à Mezeguène, Aït Aziz eut le temps de préparer sa défense, le village était difficile d’accès et avait été barricadé. Le combat d’Aït Aziz fut particulièrement sanglant ; le village ne fut pris que difficilement et au prix de lourdes pertes : 19 morts et 64 blessés. À la fin de la journée, les Français lui avaient réservé le même sort que Mezeguène. Le 30 juin, à midi, les deux villages n’étaient plus que ruines.

Prise d’Aguemmoun Izem

Aguemmoun Izem était le dernier village sérieusement défendu, et où la défense était bien organisée. Le village avait été bien barricadé comme l’avait été Icheridhen, et les maisons ont été aménagées de manière à faciliter la défense.

Après la prise d’Aït Yenni et du Col de Chellata, de nombreux contingents avaient quitté Aguemmoun Izem pour protéger les tribus vulnérables en cas d’attaque. Voyant que le nombre de défenseurs avait diminué, le général Mac-Mahon se décida à donner l’assaut sur le village.

A 15 heures, les Français quittèrent Icheridhen pour donner l’assaut final. Ils étaient épaulés par les contingents des Aït Iraten et les Aït Fraoucen.

Les combats commencèrent vers 15 heures 30, au moment où l’artillerie commença à pilonner le village. A 16 heures 30, le village a été abandonné par ses défenseurs, qui se sont retirés avec Si Seddik Arab vers Tala Oumalou.

Après Aguemmoun Izem

Après la chute d’Aguemmoun Izem, Il ne restait plus de pôle de résistance significatif pouvant faire face à l’armée française. La conquête des Aït Menguellet se fit rapidement, et sans résistance, le 2 juillet. Le 3 juillet, les Aït Menguellet offrent leur soumission au maréchal Randon, en même temps que les Aït Yahia. Les Aït Yenni, Aït Ouacif et Aït Boudrar l’avaient déjà fait le 30 juin. Le même jour, Sidi El Djoudi était venu se rendre au maréchal Randon, sans conditions. Les Ouadhias avaient déjà présenté leur soumission le 1er juillet, et le même jour, Si Seddik Arab, celui qui avait amorcé ce mouvement insurrectionnel, a été capturé et envoyé comme prisonnier à Alger. Si El Hadj Amar s’était également rendu aux Français en même temps que Si Seddik Arab.

Les autres tribus des Igawawen firent leur soumission le 6 et 7 juillet, a commencé par les Aït Bou Yousef, ceux-là même qui avaient réussi à vaincre les Français en 1854, sous le commandement de Si Seddik Arab, Lalla Fadma n’Soumer et Boubaghla.

Le 7 juillet, ce sont les Aït Mellikeuch qui sont attaqués aussi bien par la division Yusuf que par les Aït Boudrar, récemment soumis. Avant la fin de la journée, les Aït Mellikeuch présentent leur soumission.

Le 8 juillet les terres de la tribu des Aït Bouaddou, de la confédération des Igucdal, les Guechtoula, sont dévastées par la division du général Yusuf.

Le 9 juillet, les divisions Mac-Mahon et Yusuf marchent en direction des Aït Ittouragh. Des combats eurent lieu à l’approche du col de Tamesguida, et en représailles, les contingents kabyles fraîchement soumis aux Français brûlèrent les villages des Aït Ittouragh. A la fin de la journée, les Français s’étaient emparés de l’important  village d’Iferhounène.

Il ne restait plus que cinq tribus encore insoumises dans le Djurdjura, à savoir : les Aït Ittouragh, Aït Illilten, Illoulen Oumalou, Aït Idjeur, et les Aït Ziki.

Le samedi 11 juillet 1857, à 4 heures du matin, une attaque générale fut lancée contre toutes les tribus insoumises à la fois. Cette attaque lancée depuis la vallée du Sahel, le Col de Chellata et le Col de Tamesguida, obligea les Aït Illilten et Aït Ittouragh à se soumettre, suivie des Illoulen Oumalou, qui s’étaient le mieux défendu. Les Aït Mansour, une tribu de l’Oued Sahel insurgée, finit également par se soumettre.

Il faut signaler que pendant ces attaques, les villages étaient systématiquement pillés et brûlés, et que cette tâche d’incendier les villages revenait aux contingents kabyles, qui ne faisaient que piller le territoire des tribus contre qui ils étaient habituellement en guerre.

Ce 11 juillet, le village de Soumer est attaqué par les zouaves du général Yusuf. 200 femmes et enfants s’y étaient réfugiés dans la maison de Lalla Fadma n Soumer. Ils sont tous faits prisonniers et conduits au camp du maréchal Randon, à Tamesguida. Parmi les prisonniers figurent également Sidi Tahar, frère de Lalla Fadma n Soumer, et chef des Aït Illilten.

Le 14 juillet, la division Maissiat regagne la Soummam pour attaquer les Aït Idjeur depuis l’Akfadou, tandis que celle de Mac-Mahon les attaquent depuis la plaine de Boubhir. Les Aït Idjeur, se voyant encerclés et dans l’incapacité de se défendre, se soumettent sans résistance.

Le lendemain, le mercredi 15 juillet 1857, les Aït Ziki, dernière tribu du Djurdjura encore insoumise, trop faible pour se défendre, présente sa soumission avant même d’être attaquée.

Cette guerre aura coûté aux français, selon les sources officielles, 167 morts et près de 1300 blessés. Du côté kabyle, il nous est impossible de donner un bilan précis des pertes. Les villages dévastés se comptent par dizaines, et le nombre de morts doit être supérieur à 3000. Rien qu’à Icheridhen, on a exhumé à ce jour 650 squelettes. Les régions les plus dévastées restent les Aït Ittouragh, les Aït Illilten, les Illoulen Oumalou et les Aït Yenn, et ces dévastations ont été causées non pas par l’armée française mais par les Kabyles soumis, ceux-là même qui combattaient les Français quelques jours auparavant.

Si Seddik Arab sera transféré à Alger, incarcéré dans l’Île Sainte Marguerite le 30 juillet 1857, puis à Ajaccio. Il passera 4 ans en prison en France avant d’être exilé avec sa famille en Tunisie le 28 juillet 1861. Il mourra en exil dans les années 1860. Sidi El Djoudi, pour avoir été un moment dans le camp français, aura le privilège d’être exilé en Syrie sans être dépouillé de ses biens, et meurt en 1862. Lalla Fadma n’Soumer quant à elle sera détenue dans le camp du maréchal Randon à Tamesguida, avant d’être assignée à résidence à Tablat, et meurt en 1863. Nous n’avons pas plus d’information sur Si El Hadj Amar, le mokadem de la Rahmania, nous savons seulement qu’il s’était rendu en même temps que Si Seddik Arab, et qu’il fut l’un des chefs de la bataille d’Icheridhen.

Bibliographie

Forces en présence côté français

25 000 hommes

L’armée française était composée de :

  • 4 divisions de 5 à 8 000 hommes chacune, sous le commandement des généraux Mac-Mahon, Renauld, Maissiat et Yusuf.
  • Deux colonnes d’observation de 1500 hommes chacune, sous le commandement des colonels Drouot et Dargent.
  • Une colonne de contingents arabes formée à Bordj Bou Arreridj.
  • 500 cavaliers du Sébaou, sous le commandement du colonel Fénéon.
  • 5 sections d’artillerie.

Pertes côté français

1500 hommes mis hors de combat, dont 350 pour la seule division de Mac Mahon.

24 mai : 66 morts, 418 blessés.

  • Division Mac Renault : 33 morts, 159 blessés.
  • Division Mac Mahon : 30 morts, 225 blessés.
  • Division Yusuf : 3 morts, 34 blessés.

Division Mac Mahon : Du 25 juin à midi au 30 juin à midi : 200 hommes mis hors de combat.

Attaque des Aït Yenni : 1er jour : 

  • Division Renault : 4 tués, 11 blessés. 
  • Division Yusuf : 5 tués, 25 blessés.

Attaque de Taourirt El Hadjad par la division Yusuf : 8 blessés

Prise du Col de Chellata le 27 juin : 4 morts, 30 blessés.

Prise de Mezeguène le 29 juin : 17 morts, 97 blessés.

Pris d’Aït Aziz le 30 juin : 19 morts, 64 blessés.

Prise d’Aguemmoun Izem le 30 juin : 12 blessés.

Attaque des Aït Bouaddou le 8 juillet : 4 morts, 17 blessés.

Prise d’Iferhounène le 9 juillet par la division Yusuf : 1 mort, 13 blessés.

11 juillet :

  • Contingents kabyles du camp français (Aït Yakoub et Ighil Guefri des Aït Iraten) : 5 morts, 6 blessés.
  • Division Mac-Mahon: 1 mort, 9 blessés (chez les Aït Illilten).

Division Yusuf : 2 morts, 34 tués.

Personnages cités dans cet épisode

  • Benali Cherif
  • Boubaghla
  • Bourbaki (général)
  • Gatsu (general)
  • Lalla Fadma n’Soumer
  • Mac-Mahon (général)
  • Massiat (général)
  • Mohamed Oukaci
  • Randon (maréchal)
  • Rebeval (commandant)
  • Renault (général)
  • Si El Hadj Amar
  • Si Seddik Arab
  • Sidi El Djoudi
  • Sidi Taher
  • Yusuf (général)

Lieux cités dans cet épisode

  • Aboudid
  • Afensou
  • Agouni n’Tzemmourt
  • Aguemmoun Izem
  • Aït Aziz
  • Aït Hague
  • Aït Lahsen
  • Aït Larba
  • Aït Saïd Ou Zegane
  • Ajaccio
  • Akbou
  • Akfadou
  • Alger
  • Algérie
  • Bassin de Boghni
  • Belias
  • Boghni
  • Bordj Benali Cherif
  • Boubhir
  • Cheraouia (Tacerɛiwt)
  • Col de Chellata
  • Col de Tamesguida
  • Djurdjura
  • Fort Napoléon
  • Fort National
  • France
  • Grande Kabylie
  • Ibachiren
  • Icheridhen
  • Iferhounène
  • Ighil Guefri
  • Igounan
  • Île Sainte Marguerite
  • Imâinsrène (Imɛinsren)
  • Kabylie
  • Larbâa Nath Irathen
  • Mezeguène
  • Oued Aïssi
  • Oued Sahel
  • Sebaou
  • Sétif
  • Sikh Oumeddour
  • Souk Larba
  • Soumer
  • Soummam
  • Syrie
  • Tablat
  • Taguemount Boudfel
  • Taguemount El Djemaa
  • Tala Oumalou
  • Tamazirt
  • Taourirt El Hadjadj
  • Taourirt Mimoun
  • Tighilt El Hadj Ali
  • Tiguer Hala
  • Tizi n Tgiǧut
  • Tizi Ouzou
  • Tunisie
  • Vallée du Sahel
  • Vallée du Sebaou
  • Zaouia de Si Seddik Arab

Tribus et confédérations cités dans cet épisode

  • Aït Abbas
  • Aït Aggouacha
  • Aït Aïssi
  • Aït Bou Chaïb
  • Aït Bou Yousef
  • Aït Bouaddou
  • Aït Boudrar
  • Aït Douala
  • Aït Fraoucen
  • Aït Ghobri
  • Aït Idjeur
  • Aït Illilten
  • Aït Iraten
  • Aït Ittouragh
  • Aït Jennad
  • Aït Kani
  • Aït Khellili
  • Aït Mahmoud
  • Aït Mansour
  • Aït Mellikeuch
  • Aït Menguellet
  • Aït Ouacif
  • Aït Sedka
  • Aït Yahia
  • Aït Yenni
  • Aït Ziki
  • Cheurfa
  • Guechtoula (Igucdal)
  • Igawawen
  • Illoulen Oumalou
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