Amrabed

Imsebblen

Il ne doit pas être demandé d’Imsebblen dans les guerres de tribu à tribu, ni dans les guerres d’agression ; cette coutume est réservée pour la défense du sol contre une nation étrangère ou pour son expulsion du territoire qu’elle aurait envahi.

C’est toujours un marabout entouré de vénération générale, qui provoque les enrôlements de cette nature, après avoir pris l’avis des notables du pays. Il fait publier dans les tribus et sur les marchés, que les circonstances exigent que des hommes se fassent tuer pour la défense du territoire, que le paradis est assuré à ceux qui mourront, et il indique le jour et le lieu où les volontaires seront inscrits.

L’enrôlement se fait en présence d’une assemblée de notables des tribus intéressées. Chaque amsebbel (singulier d’imsebblen) qui se présente, donne au khodja (secrétaire), son nom, ceux de sa tribu, et de son village ; il fait connaître s’il a encore son père et déclare qu’il accepte les conditions qui seront fixées pour le combat. Il n’y a pas de déshonneur, pour un jeune homme, à se retirer, si son père lui refuse son consentement et le réclame à l’assemblée des notables. Ce sont ordinairement des jeunes gens non mariés qui se font inscrire, mais les hommes mariés ne sont pas exclus.

Lorsque l’enrôlement est terminé, on convient du programme que les imsebblen doivent suivre : on fixe le poste ou les postes qu’ils devront occuper, les armes qu’ils devront prendre, la distance jusqu’à laquelle ils auront droit de reculer et la limite à laquelle ils devront arrêter la poursuite de l’ennemi, si l’ont craint des embuscades.

Les imsebblen ne se mêlent pas aux autres combattants, ils ont toujours leurs postes à part. Il est interdit d’enlever leurs morts, on ne les emporte qu’après le combat ; les blessés ne peuvent être enlevés que s’ils sont tout-à-fait hors d’état de combattre, les chefs désignés par les imsebblen en sont juges. Ces prescriptions ont pour but d’empêcher, autant que possible, le mélange des imsebblen avec les autres combattants. Toutes ces dispositions sont écrites à la suite de la liste des imsebblen.

Quand tout est bien arrêté, le marabout qui a provoqué l’enrôlement, fait, avec tous les assistants, la prière des morts sur les imsebblen ; ceux-ci restent debout et ne se mêlent pas aux prières. A partir de ce moment, les imsebblen n’ont plus à s’occuper de rien, c’est à qui leur apportera des armes, des vêtements, des plats de couscous et des friandises ; les femmes, les enfants s’empressent autours d’eux pour les servir, leur accorder, par avance, la vénération qu’on doit à des martyrs de l’indépendance du pays.

Les imsebblen qui sont tués, sont enterrés, dans chaque village, dans un cimetière à part, qu’on appelle « timeqbert n imsebblen », et qui devient un lieu vénéré où l’ont va faire ses dévotions. Les femmes et enfants de ceux qui ont succombé sont nourris aux frais de la tajmaɛt (assemblée de village) et sont traités avec égards. Les imsebblen qui échappent à la mort, soit parce qu’ils ont survécu aux blessures reçues dans le combat, soit parce que la victoire à couronné leurs efforts, jouissent partout d’une grande considération, ils ont le pas sur tout le monde et nul n’oserait leur chercher querelle ; la tajmaɛt pourvoit à leur entretien, s’ils restent estropiés des suites de leurs blessures et n’ont pas de moyen d’existence suffisants. Ceux qui manque à leurs engagements, en prenant la fuite, ne sont plus que des parias, objets du mépris général ; on ne leur parle plus, on ne prononce plus leur nom, ils sont morts. Ils ne peuvent trouver une femme qui consente à les épouser et, s’ils ont des filles, ils ne peuvent les marier.

Un des exepmles les plus marquants du sacrifice des Imsebblen a eu lieu le lundi 22 mai 1871 à Larbaâ Nath Irathen.

L’attaque des imsebblen devait avoir lieu dans la nuit du 21 au 22 mai, et devait consister à monter à l’assaut de Fort National au moyen de 150 échelles préparées par les villages.

Le dimanche soir, 21 mai, tout était tranquille et silencieux, lorsque vers deux heure du matin, l’on entendit de Fort National un chant religieux venant des hauteurs de Tablabalt. A Ourfia, quelques instants après, le même chant résonnait, suivi d’un court silence. Puis tout à coup, mille cris sauvages retentissent dans tous les ravins, la fusillade éclate de tous côtés, des gerbes de balles passent sur le fort ; les 2280 imsebblen sont au pied du mur, disposant leurs échelles pour l’escalade. A ce moment, le fort s’enveloppe d’un ruban de feu : ce sont les défenseurs qui avec un rare sang-froid, fusillent à bout portant tout ce qui se présente, pendant que l’artillerie, croisant ses feux dans toutes les directions, écrase pêle-mêle ceux qui reculent et ceux qui accourent à la rescousse. Pendant une heure, la lutte continue acharnée, et au jour l’ennemi a disparu, laissant au pied du mur une vingtaine d’échelles que les gens du makhzen vont chercher et rapportent en trophée. Pendant ce temps, on voyait, du haut des remparts, de longues files de Kabyles qui suivaient la route d’Alger et qui emportaient des morts ou des blessés sur les échelles transformées en civières.

Ces imsebblen, on en a vu à Alger durant la bataille de Staoueli (19 juin 1830) durant les deux batailles d’Icerriḍen (24 juin 1857 et 25 juin 1871), la bataille du Col de Chellata (26 juin 1857). Selon la tradition orale, c’est Lalla Fadma n’Soumer qui aurait enrôlé ceux ayant participé à la première bataille d’Icerriḍen. Un des épisodes de la bataille des At Iraten en mai 1857 semble également être l’œuvre des Imsebblen : il s’agit de la contre-attaque menée les At Iraten au 2eme jour de la bataille pour reprendre une zaouïa prise par les Français. Pendant la guerre d’Algérie (1954-1962) on nomma imsebblen les maquisards parties au front. Tous ces exploits, ou presque, finirent en bain de sang : Entre 400 et 650 mort à la première bataille d’Icerriḍen, plus de 400 pour la deuxième, des centaines de mort durant l’attaque de Fort National (nombre inconnu mais sans doute énorme vu les 2280 imsebblen présents).

Bibliographie

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