La guerre de Jugurtha nous est connue grâce à Salluste. L’historien latin avait eu l’occasion de parcourir la Numidie un demi-siècle avant les événements relatés pat la Guerre de Jugurtha ; il avant eu l’occasion de consulter la riche bibliothèque du roi numide, il avant fait traduire les récits et les légendes du pays, et avant consulté les œuvres des historiens Cornélius Sisenna été Posidonios.
Jugurtha chef militaire
“Jugurtha parle aux berbères les exhortant, les conjurant de se souvenir de leur glorieux passé et de leur récente victoire, de défendre leur pays et leur roi contre la rapacité des romains : « Ceux qu’ils vont combattre, une fois déjà, ils les ont vaincus et faut passer sous le joug. En changeant de chef, ils n’ont pas changé d’âme. Tout ce qu’un général doit faire pour assurer à ses troupes les meilleures conditions de combats, il l’a fait. Ils ont l’avantage du terrain, ils sont exercés au combat, l’ennemi ne les pas ; et ils ne lui sont pas inférieurs en nombre. Qu’ils se tiennent donc prêts et résolus pour fondre sur les romains au premier signal. Le jour est arrivé qui va voir soit le couronnement de tous leurs efforts et de toutes leurs victoires, sois le commencement de leur ruine ». Il trouve un mot pour chaque combattant. Quand il reconnait un soldat qui a reçu de lui une récompense, il lui rappelle cette faveur et le donne en exemple aux autres. Selon le caractère de chacun, il promet, menace, supplie, bref, use de tous les moyens pour exciter leur courage.”
L’art militaire de Jugurtha
Contre Métellus (Devant Muthul)
“Quand Jugurtha voit les derniers rangs de l’armée de Métellus dépasser son avant-garde, il fait occuper par environ deux mille fantassins la montagne d’où Métellus viens de descendre, pour l’empêcher d’y retourner dans le cas où il sera battu. Puis, donnant le signal, il fonce brusquement sur l’ennemi.
Les numides attaquent à droite, à gauche, ils exterminent notre arrière garde, nous pressent, nous harcèlent, bouleverses nos rangs. Ceux de nos soldats qui, plus fermes, se portent contre l’ennemi, déconcertés par le désordre qui règne dans le combat, n’y gagnent que d’être blessés à distance sans pouvoir répondre aux coups, ni atteindre l’adversaire, car Jugurtha avait d’avance recommandé à ses cavaliers, chaque fois qu’ils seraient attaqués par les romains, de battre aussitôt en retraite, non pas tous ensemble ni du même coté, mais en se dispersant dans des directions tout opposées. Ainsi les numides, s’ils ne pouvaient pas empêcher les romains de les poursuivre, profitaient de leur supériorité numérique pour les forcer à se disperser et pour attaquer ensuite de dos et de flancs, en les enveloppant, et, s’il se trouvait que la colline pouvait favoriser leur fuite mieux que la plaine, leurs chevaux, habitués aux broussailles, s’y frayaient le chemin sans peine, tandis que les nôtres se heurtaient, à chaque instant, à des difficultés d’un terrain qui leur était étranger.“
Contre Métellus (Devant Zama)
“Tandis que l’on se bat autour de Zama, Jugurtha, à la tête d’une troupe considérable, fond à l’improviste sur le camp romain et ne force une des portes, profitant de la négligence de ceux qui en avaient la garde et qui s’attendaient à tout ce qu’on voudra, sauf à une attaque de l’ennemi. Surpris et saisis d’épouvante, les nôtres ne pensent qu’à leur salut personnel, chacun à sa manière, les uns en prenant la fuite, les autres en prenant les armes. Il y a beaucoup de tués et de blessés.
Il s’en trouva en tout quarante pour se souvenir qu’ils étaient des romains. Serrant les rangs, ils se retirèrent sur une hauteur d’où l’ennemi ne pu les déloger malgré tous ses efforts. Mieux encore. Les traits qui pleuvaient sur eux, ils se mirent à les renvoyer à l’ennemi, lequel, plus nombreux, offrait une meilleur cible que leur mince détachement. C’est en voyant les numides monter à l’assaut de leur position qu’ils déployèrent tout leur courage, les massacrant, les dispersant, les mettant en fuite.
Au plus fort de l’action, Métellus entend derrière lui des clameurs tumultueuses. Il tourne bribe et aperçoit des hommes qui fuient en sa direction, signe évident que ce sont des romains. Sans tarder, il envoie vers le camp toute sa cavalerie et, aussitôt après, Marius avec cohortes auxiliaires. Les yeux remplis de larmes, il le conjure, au nom de leur amitié, au nom de la République, de ne point souffrir que notre armée victorieuse subisse un affront et que l’ennemi demeure impuni.
Marius exécute avec célérité l’ordre donné. Jugurtha vit alors une partie de ses hommes se précipiter du haut des palissades, d’autres s’engager dans d’étroits couloirs où ils se gênaient mutuellement. Pour se tirer d’embarras, il se replia sur une position fortifiée, après avoir subi de lourdes pertes. Quand à Métellus, l’approche de la nuit le fit ramener son armée dans le camp, laissant l’affaire inachevée.
Le lendemain, avant de quitter le camp pour reprendre l’assaut, il range toute sa cavalerie devant les retranchements, du côté où l’on peut s’attendre à une attaque de Jugurtha. Il répartit entre les tribuns militaires la garde des portes et des abords du camp. Ensuite il se dirige lui-même vers la ville et lance l’assaut, comme la veille.
Cependant Jugurtha, sortant de nouveau de sa retraire, se jette brusquement sur les nôtres. Il y eut dans les postes avancés un moment de panique et de confusion. Mais on accourut vite à leur secours et les numides auraient été incapables de résister longtemps si leurs fantassins, mêlés aux cavaliers, n’avaient réussi à faire de grands ravages dans nos rangs. Soutenus par eux, les cavaliers ennemis, au lieu de se replier aussitôt, selon l’usage, après avoir chargé continuaient à foncer en avant, portant le désordre chez les nôtres, et faisant livrer à des combattants bien en forme des adversaires à moitié vaincus.”
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Salluste, Guerre de Jugurtha, dans Histoire Romaine, Tome I, Edition Gallimard, 1968 ; XLVII, L, LVIII, LIX, pp. 712-714 et 720-722.