Texte d’Ammien-Marcellin narrant la guerre de Firmus contre Théodose. Il y évoque les combats entre l’armée Romaine et la tribu des Isaflenses, ainsi que le suicide de Firmus.
Soulevé d’allégresse par ces exploits et d’autres du même genre, le grand général cherchait à s’emparer du perturbateur de l’ordre en personne, en mettant en œuvre l’ensemble de se moyens, est s’arrêtant pout cela assez longuement au munimentum Médianum il espérait que, en recourant à maints stratagèmes mûrement réfléchis, il pourrait se faire livrer l’homme. Examinant que celui-ci était retourné chez les Isaflenses*, sans délai il lance ses armées contre ceux-ci et les attaque. Leur roi, nommé Igmazen, personnage très en vie dans ces territoires et qui était connu pour ses richesses, s’avança hardiment au devant de lui : « D’où es-tu, lui dit-il, et qu’es-tu venu faire ici ? ». Théodose, avec assurance, lui lance un regard menaçant et dit : « Je suis le comte de Valentinus, le maître du monde, envoyé pour écraser un sinistre bandit ; su tu ne me le remets pas immédiatement, comme l’a décidé l’invincible empereur, tu périras complètement, avec le peuple que tu gouvernes ». A ces mots, Igmazen, après maintes invectives lancées contre le général, se retira sous le coup de la colère et de la douleur.
Au début du jour suivant, les armées s’avancèrent au combat, menaçantes, et vingt milles barbares environ furent postés aux premières lignes, tandis que des pelotons de réserve étaient dissimulés derrière eux, de telle sorte qu’ils encerclèrent peu à peu les nôtres qui s’élançaient, grâce à leur multitude, à laquelle on ne s’attendait pas ; s’y ajoutèrent des auxiliaires Iesalenses** en très grand nombre, dont nous avons dit qu’ils avaient promis aux nôtres renforts et ravitaillement. En face les romains, pourtant en très petit nombre, mais à qui leur vaillance et les victoires précédentes donnaient de l’audace, ayant renforcé leurs ailes et formé la tortue avec les boucliers, soutinrent le choc de pied ferme, et le combat dura du lever du soleil jusqu’à la fin du jour. Peut avant le soir, on vit Firmus, montant un grand cheval, en manteau de pourpre largement déployé, exhorter à grand crus les soldats s’ils voulaient être libérés des dangers qui pesaient sue eux, à livrer Théodose en saisissant un moment opportun, appelant celui-ci sauvage, barbare, cruel inventeur de supplice. Ces paroles inattendues en incitèrent certains à se battre avec plus d’ardeur, en engagèrent d’autres à abandonner le combat. Puis quand commença le repos nocturne, une partie des hommes étant épouvantés de se voir enveloppés de ténèbres, le général revint au castellum Duodiense et passant en revue les soldats, il fit mettre à mort, en leur infligeant des traitement divers, ceux que la peur et les paroles de Firmus avaient détournés du dessein de se battre, les uns ayant eu la main droite enlevée, d’autres ayant été brûlés vifs et postant des sentinelles avec un soin vigilant, il extermina quelques-uns des barbares qui avaient osé, comme on ne pouvait pas les voir, attaquer son camp après le coucher de la lune, ou bien il en fait prisonniers ceux qui s’approchaient avec trop d’audace. Puis il s’éloigna à vive allure, attaqua les Iesalenses**, en raison de leur loyalisme incertain, par des sentiers détournés d’où on ne pouvait l’attendre, et les réduisit au plus extrême dénuement ; puis revenu à Sitifis*** en passant par les oppidum**** de la Maurétanie Césarienne, il fit périr par le supplice du feu Castor et Martinianuis, complice des exaction et des crimes de Romanus.
Après cela, la guerre recommence avec les Isaflenses, et dès le premier choc, un grand nombre de barbares ayant été repoussés et massacrés, leur roi Igmazen, habitué jusqu’alors à être vainqueur, rendu hésitant par la terreur que lui inspirait le mal présent, et ayant considéré que s’il s’interdisait les marchandages il ne lui restait aucun espoir de survivre, s’il se conduisait avec trop d’obstination, avec autant de précautions et de secret que cela pouvait se faire, il s’avança seul hors des rangs, et quand il eut vu Théodose, il le supplia de faire venir auprès de lui le Mazice*° Massila – Par cet intermédiaire, envoyé comme le roi l’avait demandé, il conseilla, en des entretiens secrets à ce général naturellement opiniâtre de menacer vivement ses compatriotes pour que lui sois laissée la possibilité de faire ce qu’il voudrait, et par un harcèlement constant de les amener à la peur, épuisés qu’ils étaient, malgré leur sympathie à l’égard du rebelle, par des pertes multipliées-. Théodose obéit à ces discours, et par des combats incessants il malmena tant les Isaflenses que tandis queux même tombaient comme du bétail, Firmus s’évadait en cachette ; mais, ayant à fuir par des chemins dissimulés, impraticables et pleins de détours, il fut, au moment où il réfléchissait sur cette fuite, retenu prisonnier par Igmazen ; et parce qu’il avait appris par Mazilla les tractations secrètes, considérant que dans une situation il n’y avait qu’un remède, il décida de fouler au pied son désir de vivre en se donnant volontairement la mort. Tandis que ses gardiens avaient été intentionnellement gorgé de vin et plongés dans l’ivresse, et étaient, dans le silence de la nuit, accablés d’un sommeil très profond, éveillé quand à lui par l’épouvantes née du malheur qui pesait sur lui, il abandonna sa couche à pas silencieux, rampant des mains et des pieds, il s’éloigna quelque peu, et ayant trouvé la corde qu’il avait fait préparer pour l’éventualité d’un suicide, il la fixa à un clou enfoncé dans le mur, il y passa le cou, et expira délivré des tourments de la mort.
__________
Ammien-Marcellin (XXIX, 45,55) (traduction de M. M. Moreau)
* Les Isaflenses forment une tribu berbère apparenté aux actuels Iflisen.
** Les Iesalenses forme une tribu berbère du sud-ouest du Djurdjura, leur territoire s’étendrait selon les source entre l’actuel Palestro et l’actuelle Haizer.
*** Sitifis est le nom antique de l’actuelle Sétif
**** Oppidum est le nom que donnent les romains au agglomération fortifié non romaines.
*° Mazice est une des versions latines d’Amazigh, nom générique des tribus berbères de l’antiquité.