Témoignage de Hamdane Khoudja sur la Rahmania en Kabylie durant l’année 1833
« De nos jours, écrit-il en 1833, le marabout qui jouit du plus grand crédit et qui est presque regardé par les Kabyles comme un être divin, porte le nom de Sidi Ali ben Aïssa. Il habite Garrouma, il est le disciple du célèbre marabout nommé Mohamed Ben Abderrahmane* …
Pour faire connaître toute l’influence qu’il exerce il suffit de dire que c’est le même qui après l’invasion des Français s’est offert pour traiter de la paix entre ces derniers et les Kabyles. La puissance de cet homme se fait sentir jusque dans le royaume de Tunis, il a dans chaque ville ou village de toute la Régence un représentant dans les mosquées, chargé de recevoir tous les dons qui lui sont destinés. Ce même représentant perçoit des dîmes sur les récoltes et toutes ces offrandes sont distribuées à la classe indigente et servent à entretenir les lieux consacrés à l’hospitalité. Partout où il y a un représentant collecteur, il existe une maison ouverte à l’hospitalité, où l’on nourrit et loge gratuitement les voyageurs et leurs animaux. Au bout de chaque année ce qui n’est pas dépensé est envoyé au marabout principal : « Moi-même – dit-il – je me suis trouvé avec ce marabout, il m’a paru un homme simple, sans présomption, ayant un excellent jugement animé de sentiments philanthropiques, sans prétentions et ne possédant pas une grande fortune. Car après avoir distribué ses aumônes, a peine lui reste-t-il de quoi vivre… A cette époque il voulut me charger de vendre pour son compte un jardin qu’il possède à Alger, mais je le détournais de cette idée afin qu’il put par son influence servir la cause française et peut-être, par sa médiation, engager le bey de Constantine à conclure une paix honorable. M. le Duc de Rovigo cherchait dans ces vies à se l’attacher et à devenir son ami ».
_________________
Khoudja, Hamdane. Le Miroir : Aperçu historique et statistique sur la Régence d’Alger. Ed.2. Arles : Actes Sud, 2003.
* Il s’agit de Sidi M’hemmed Bu-Qebrin, fondateur de la Rahmania, que certains appellent aussi Sidi Abderrahmane.