Par l’armement, les Berbères étaient assurément fort inférieurs aux Byzantins, et l’on conçoit que les généraux impériaux les traient dédaigneusement d’adversaires sans défense. Les pieds et les bras nus, le corps et la tête enveloppés d’in grand burnous de toile, ils n’ont, fantassins et cavaliers, d’autre arme défensive qu’un petit bouclier de cuir ; pour l’attaque ils sont armés d’une courte et large épée, et chacun d’eux porte en outre deux longs et solides javelots ; mais ce léger équipement leur assure une mobilité extrême, et ils se fient à cet avantage pour harceler, envelopper et rompre la lourde infanterie byzantine. Suivant l’usage de tous les nomades, ils emmènent à leur suite dans leurs courses les femmes, les enfants, les troupeaux de la tribu ; mais ce n’est point là comme on pourrait croire un obstacle à leur marche : les bête, on le verra tout à l’heure, ont leur rôle dans la bataille ; les femmes, on élevant les retranchements du camp, en soignant les chevaux, en fournissant les armes, laissent les guerriers plus frais pour la lutte, et d’ailleurs plus d’une fois elles prennent furieusement leur part du combat. Quand à la tactique des indigènes, elle est déterminée par leur parfaite connaissance du pays et la supériorité numérique de leur innombrable cavalerie. Ils se plaisent à faire une guerre d’escarmouches et d’embuscades, occupant les passages difficiles des montagnes, se dissimulant sous l’abri des bois ou dans le lit desséché des rivières ; ils aiment à surprendre l’ennemi en route et à faire tourbillonner autour des rangs demi-rompus la galopade furieuse de leur escadrons ; ils s’entendent aux fuites savantes qui entraînent l’adversaire en une imprudente poursuite et l’amènent, épuisé et sans ordre, dans le piège soigneusement préparé ; ils le harcèlent par cent attaque de détail et toujours se dérobent devant lui, sans jamais risquer au combat régulier, sans vouloir surtout accepter en plaine une grande bataille rangée ; ils se tiennent sur les hauteurs, occupant les sommets, se défendant derrière des abatis d’arbres, épiant la marche de l’ennemi pour profiter du moindre désarroi, assaillir son camp mal fortifié, le surprendre au moment de la sieste ; ils simulent la retraite, parfois la déroute, pour tromper l’adversaire et l’attirer à leur suite dans les régions déserte, où la faim, la soif, la chaleur briseront son courage ; même, pour mieux l’épuiser, ils font le dégât devant lui. Parvient-on à rejoindre ces insaisissables claviers, à une action décisive, leur manière de combattre trouble toutes les prévisions. Avec leurs chameaux rangés sur plusieurs lignes d’épaisseur, ils forment au milieu de la plaine un vaste retranchement circulaire : derrière cette première défense, ils placent le reste de leurs troupeaux, bœufs, moutons, et chèvres, solidement attachés les uns aux autres ; à l’intérieur de ce rempart vivant, des cordes tendues, des fourches, des pieux fichés en terre, des chausse-trapes semées sur le sol, renforcent les moyens de résistance. Dans cette citadelle, les femmes, les enfants, les vieillards sont laissés ç la farde du camp. Les fantassins, qu’on sait incapables de soutenir le choc de la cavalerie byzantine, s’abritent sur la lisière du retranchement, entre les jambes des chameaux et repoussent de leur flèches les assauts de l’adversaire. La cavalerie prend position sur les hauteurs voisines, prête à charger en queue ou en flanc les escadrons ennemis en désordre : les indigènes comptent bien en effet que ka vue et les beuglements des chameaux épouvanteront les chevaux byzantins et rompront sans peine l’élan de la première attaque. Et pour mieux décider les Grecs à prendre l’offensive, quelques cavaliers choisis viennent parader devant les rangs byzantins. Des détachements de cavalerie berbère prennent même l’offensive et poussant des clameurs féroces, se précipitent au combat. Mais lorsque leur déroute ou leur fuite simulée ont amené sur la lisère du camp les escadrons grecs, alors la tactique des indigènes se révélé avec un plein succès : en face des chameaux furieux, les chevaux se dérobent ou se cabrent, et les fantassins, sortant de leur abri, s’élancent sur les cataphractaires démontés ou rompus, tandis que les Berbères descendant des hauteurs, viennent par leurs charges achever ka déroute.
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D’après le Bellum Vandalorum de Procope et le Iohannidos libri de Corropus dans Ch. Diehi, L’Afrique byzantine, Histoire de la domination byzantine en Afrique (539-709), Paris, 1896, pp. 58-61.