Les Maatkas forment une confédération de Kabylie occidentale voisine des Iflisen Umellil, des Amraoua, des At Ɛisi, des Aklan et des Amecṛas.
Ils occupent une série de collines séparées du Djurdjura par la vallée de Boghni, que les Français avaient d’ailleurs nommée « Chaîne des Maatkas ».
Je laisse Mazigh Arhab, d amɛatqiw, vous présenter la suite
Le territoire des Maatkas comprend les communes de : Tirmitine, Tizi Ouzou, Maatkas, Souk El Tenine et Aïn Zaouia.
Ils se composent de 3 tribus, à savoir :
- Imɛatqiyen, les Maatkas proprement dit ;
- At Xlifa ;
- Ibetrunen
Une partie des Imɛatqiyen s’établirent au sud du territoire de la tribu, à Boumahni, et formèrent une fraction séparée des Maatkas, que l’on peut considérer comme une 4eme tribu, mais qui reste rattachée à la grande tribu des Imɛatqiyen.
Les Maatkas avaient un marché hebdomadaire qui se tenait chaque jeudi, nommé Suq Lexmis, et qui correspond actuellement au chef-lieu de la commune de Maatkas.
Ils se nomment eux même Lemɛatqa, ou Imɛatqiyen. Toutefois il parait que c’est plus le nom de la plus grande tribu de la confédération, que celui de la confédération elle-même. Dans les quelques poèmes anciens que j’ai pu trouver en kabyle, le terme utilisé est Taqbilt [voir le poème en annexe], ce qui signifie confédération, mais jamais on ne donne ne nom précis à cette confédération. Ce sont les sources coloniales qui l’appellent Confédérations des Maatkas.
Histoire
A l’époque ottomane, les Maatkas étaient une tribu makhzen de la Régence d’Alger, c’est-à-dire qu’ils étaient soumis au gouvernement ottoman d’Alger. En raison de leur position géographique, ils formaient un passage entre les Amraoua et le bordj de Boghni. Ils étaient de ce fait alliés aux Amraoua, et ennemis des Iflisen Umellil et des Aït Aïssi, deux confédérations hostiles aux turcs et ennemis des Amraoua.
Les Maatkas obéissaient au Bachagha du Sébaou, Si Belkacem Ou Kaci. En août 1851, Bou Baghla réussi à soulever les Maatkas, qui prirent les armes contre Belkacem Ou Kaci, accusé d’être trop proche des français, et attaquèrent les troupes du général Cuny.
Le 25 octobre 1851, le général Pélissier arriva en renfort, et campa le 31 octobre chez les At Xlifa. Le combat qui s’en suivie le lendemain, 1er novembre 1851, dura trois jours, au cours desquels les Maatkas subirent une lourde défaite, et eurent de nombreux villages incendiés. Ils finirent par se soumettre le 4 novembre, demandèrent l’aman, et acceptèrent toutes les conditions imposées par les Français [voir le poème en annexe].
Après l’assaut donné par le maréchal Randon sur le territoire des At Iraten, le 25 mai 1857, le jour même de l’Aïd, les Maatkas, alors soumis aux français, attaquèrent les At Dwala et les At Meḥmud, et incendièrent leurs villages, pour les pousser à se soumettre et éviter qu’ils n’aillent au secours des At Iraten. Ceci poussa les At Ɛisi à présenter leur soumission le 27 mai 1857, juste après la reddition des At Iraten.
En 1871, les Maatkas participèrent à l’insurrection de Mokrani, en attaquant Boghni, le 19 avril 1871. Le 4 juin, deux colonnes française se mirent en marche vers le territoire des Maatkas, l’une depuis Draa El Mizan vers Suq Lexmis, l’autre depuis Tizi Ouzou vers Buhinun. Le 5 juin, de violents combats eurent lieux chez les At Xlifa, où 8000 kabyles s’étaient groupé pour défendre Buhinun. Le chef des Maatkas s’appelait alors Muḥend Lḥusin U-Ɛli. Parmi les chefs de guerre, il y avait aussi un ancien spahi du nom de Sliman U-Muḥend, Lḥaǧ Muḥemmed U-Ceɛban, l’oukil de la zaouïa de Tirrmitine, et le marabout Si Saɛid Abuyeḥyiw, dont le père sera blessé pendant les combats.
Les Maatkas furent vaincus par les Français, et présentèrent le 7 juin leur soumission au général Lallemant. Ils furent frappés d’une lourde contribution de guerre.
Sur le plan phonétique, le kabyle des Maatkas est le même que celui des At Zmenzer, qui font partie de la confédération d’At Ɛisi, et dont je parlerais dans une prochaine vidéo. Tout comme certains kabyles ont tendance à changer le « l » en « y », à dire « timellayin » au lieu de « timellalin », les Maatkas changent souvent le « l » en « r », ainsi ils diront « timerrarin / timellerlin » au lieu de « Timellalin ». Ce phénomène se rencontre également chez les Iflisen Umellil, les At Wagnun et les Iflisen n Lebḥar, et bizarrement, également dans le Rif marocain.
Bibliographie
- Devaux Charles. Les Kabaïles du Djerdjera : Etude nouvelle sur le pays vulgairement appelé La Grande Kabylie. Marseille : Camion Frères, 1859. https://books.google.dz/books?id=jC5DAAAAcAAJ&printsec=frontcover&dq#v=onepage&q&f=false
- Hanoteau Adolphe, Letourneux Aristide. La Kabylie et les coutumes kabyles. Tome 1. Paris : Imprimerie Nationale, 1872. https://books.google.dz/books?id=GDA-AAAAYAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
- Hanoteau Adolphe. Poésie populaire de la Kabylie du Jurdjura : Texte kabyle et traduction. Paris : Imprimerie Impériale, 1867. https://books.google.dz/books?id=b-WEC2VDkLEC&printsec=frontcover#v=onepage&q&f=false
- Liorel Jules. La Kabylie du Jurdjura. Paris : Leroux, 1893. https://www.google.dz/books/edition/Kabylie_du_Jurjura/msThiy2egeAC?hl=fr&gbpv=1&dq
- Rinn Louis. Histoire de l’insurrection de 1871 en Algérie. Alger : Adolphe Jourdan, 1891. https://www.google.dz/books/edition/Histoire_de_l_insurrection_de_1871_en_Al/cR3qyotGfTsC?hl=fr&gbpv=1&dq=maatka&pg=PA437&printsec=frontcover
Poèsie
Poème d’Ali Ou Ferhat de Bou Hinoun, rédigé 1851, sur la défaite des Maâtkas face aux troupes françaises
- Ṣṣlat fell-ak, a nnbi, ay uḍrif
- A rrṣul iɛuzzen nnaḍer
- Mi k-ibder ul yettifif
- D aẓidan ɣef lxaṭer
- Wanes-iyi mi ara kecmeɣ ardif
- Ass n lḥisab tagnit teẓwer
- Bénédictions sur toi, Prophète gracieux
- Envoyé chéri du Dieu qui voit tout !
- Ton souvenir émeut vivement le cœur
- Tu es doux à l’âme
- Assiste-moi quand je descendrai au tombeau
- Le jour des comptes est un nomment difficile
- Buhinun, taddart n rrif
- Igan lesbab akk i cceṛ
- Nmesbed di zzman n lexrif
- Lbaṛud fi kul iɣmer
- Yekka ɣef medden uɣilif
- Wi’ t-ittun ad d-ittwaḥqer
- Bou-Hinoun, village du bord de la plaine
- A été la cause de tous nos malheurs
- Nous avons commencé les hostilités en automne
- La poudre parlait de tous côtés
- Les chagrins sont venus fondre sur les hommes
- Honte à celui qui l’oublierait !
- Kul aɛrab la d-ittiẓẓif
- Ṛwan aɛebbi n lettmeṛ
- Wi’ irefden acekkab yexfif
- N teẓgi akk d semmaṛ
- Ufan-d ssebba d crif
- Win i d-yusan d ṭṭeyyar
- Yers-s s nnig At Ɛrif
- Lemḥalla tqubel leṣwar
- Yuɣ-d abrid ɣer wasif
- Di Cemlal yekker uɣebbar
- Tous les Arabes poussent le cri de guerre
- Ils sont rassasiés du pillage de nos fruits
- Il court d’un pied léger, celui qui porte un panier
- De branches et de jonc
- Ils ont pris pour prétexte le chérif (Bou Baghla)
- Qui nous est venu en oiseau voyageur
- Il s’est établi au-dessus des Aït Arif
- Son camp fait face aux Çouar (ruines)
- Il a pris le chemin de la vallée
- La poussière s’élève à Chemlal
- Ɛemrawa, at lbus uḍrif
- Kkren, ur yebɣi lxaṭer
- Ketben tabṛat s urrif
- Si Tlemsan ar Mɛesker
- Yewwi-d tarayul lluṣif
- D bbni aɛrab i d-iketeṛ
- Les Amraoua, aux vêtements élégants
- Se sont irrités, ils se sont levés
- Et, dans leur colère, ils ont écrit au chrétien
- Depuis Tlemcen jusqu’à Mascara
- Le chrétien a amené des tirailleurs noirs
- Ce sont des fils d’arabes qu’il a surtout amassé en grand nombre
- Yerna-d zzwaf ur neɛrif
- Ur nessin menhu lqifaṛ
- Kul ɛecra yetbeɛ-ten ssif
- Kul wa ɣef rrateb-is meqqer
- Adrar iɛuṣṣan ifif
- i (g) yexdem uzeggaɣ uḍar
- Il y a joint des zouaves qui ne connaissent pas le danger
- Ils ne comprennent pas qui-va-là ? Ces fléaux
- Toute escouade de dix hommes est suivie d’un officier
- Et chacun d’eux, dans sa position, commande avec autorité
- La montagne révoltée, ils la passent au crible
- Voilà ce que font les jambes rouges
- Ben Hini iṣub ɣer wasif
- Yeɛna leɛzib U-Beccaṛ
- Ɣer Buɣni iqerreb usurif
- W’ ur nesɛi aḥbib ad indeṛ
- Yusa-d lexber d aɣilif
- Nebṭel ulad leɛwaceṛ
- Tigennut terɛed, tettifif Iɣab iṭij ur t-nẓer
- Le chrétien descend dans la rivière à Ben-Hini
- Il se dirige vers l’azib de Bechar
- De là à Boghni il n’a a qu’un pas
- Et nous n’avions pas un ami pour nous prévenir
- Quand nous parvint la triste nouvelle
- Nous interrompîmes la fête même de l’Aouacher
- Le tonnerre grondait, la pluie tombait comme la farine du crible
- Le soleil avait disparu à nos yeux
- Sidi Ɛli U-Musa, ay uḍrif
- A bab n lbeṛhan meqqer
- Yeɣra Sidi Xaled d llif
- Icuba Lǧameɛ Leẓher
- Rrda terɣa deg tnaṣif
- Lǧir u lǧur yexser
- Ô gracieux Sidi Ali Ou Moussa
- Maître du puissant Berhan
- Toi qui lisais Sidi Khelil et le Coran
- Ta koubba ressemblait à la mosquée El Azhar
- Les draperies qui en ornaient le milieu ont été brulées
- La chaux et les briques sont détruites
- Taqbilt ur nezmir i lḥif
- Bexlaf bu llebsa leɣyaṛ
- Knan amzun d asɣarsif
- Ṛwan leǧwad timɛuyaṛ
- Seg mi ɣlin ḥedd ur tt-iṭṭif
- Amrabeḍ aqbayli yexser
- La confédération qui ne pouvait supporter l’injustice
- Et dont tous les guerriers portaient des vêtements de couleurs tranchantes
- A ployé comme un aune
- Les nobles cœurs ont été rassasiés d’humiliations
- Puisqu’ils sont tombés, personne ne pourra tenir
- Marabouts et Kabyles subiront la corvée
- Aqlaɣ d imgiǧǧan s asqif
- A Mḥed U-Lḥaǧ, ay amɣar
- Neffeɣ-d si teqbilt s lḥif
- Neǧǧa leḥbab i nɛucer
- Ay iɛessasen n wasif (bbwasif) Tedɛum-aɣ ar ad nenneǧbar
- Nous voici en fugitifs dans ton vestibule, ô vénérable Mohammed Ou El Hadj
- Nous sommes sortis de notre tribu par la violence
- Nous avons quitté nos amis, nos intimes
- Ô vous qui veillez sur la rivière
- Priez Dieu qu’il nous réunisse à eux
- Ay Agellid, a Nnaḍer
- A win yessudumen anẓar
- Ɣfer-aɣ irkel ma nedneb
- Ǧmiɛ akka nemḥaḍer
- Ô Maître souverain qui voit tout
- Toi qui fais tomber les pluies fécondantes
- Pardonne-nous si nous avons péché
- A nous tous qui sommes ici présents