Amrabed

L’expédition de Charles Quint sur Alger

Après le départ de Khair-Eddine vers Istanbul, c’est l’un de ses officiers, Hassan Agha, qui le remplace à la tête d’Alger.

En Août 1535, l’ancien roi d’Alger, Barberousse, fait escale à Alger pour y déposer 6000 chrétiens qu’il a fait prisonniers sur l’île de Minorque.

Le 20 octobre 1541, la plus importante flotte jamais montée contre Alger arriva au large de la ville. Elle comptait 400 navires dont 65 grandes galères, montés par 12 330 maris et 23 900 soldats, commandée par Charles Quint en personne. En plus de la noblesse espagnole, l’Italie, l’Allemagne, le Vatican, et l’ordre des Chevaliers de Malte participèrent également à l’expédition.

Le Pape Paule III avait publier une bulle dans laquelle il bénissait tous ceux qui participèrent à la campagne contre Alger.

Hassan Agha eu le temps de fortifier la ville. Il coupa tous les arbre d’Alger pour que l’ennemie ne puisse pas se cacher, en commençant par les arbres de son propre jardin.

Hassan Agha demanda à Sidi Saïd Chérif, cheikh d’Alger, d’envoyer des civils sur les tours et sur les murailles pour les garder et pour combattre. Il désigna des chefs pour garder les portes avec des troupes de soldats.

A la porte de Bab Azzoun était posté l’un des principaux hommes de guerre, nommé El Hadj Mami, célèbre pour sa bravoure. Bab Azzoun était la porte la plus vulnérable. Hassan Agha y plaça un drapeau qu’il nomma « Étendard du Prophète », « راية النبي » ou « Drapeau de la victoire », « راية النصر ».

Un Caïd du nom Hassan a été désigné responsable de la muraille nord d’Alger, de Bab El Oued au hauteur de la ville, près de Sidi Remdane.

La défense de la porte Bab El Oued a été confiée au Caïd Youcef.

Le reste de la muraille était défendu par 3 autres Caïds, Safar, Aslan et Remdane.

La partie maritime de la ville a été confiée au capitaine général de la marine, nommé Khidr, deux matelots, Ali et Haïder, et une troupe de corsaires.

Des batteries de canons furent postées tout autour de la ville, dont la plus imposante a été placée au-dessus de la porte de Bab El Oued.

Hassan Agha ne dispose pour défendre la ville que de 800 janissaires, et 600 cavaliers kabyles. Il a aussi à sa disposition 5000 habitants de la région, mobilisés par le Caïd Mehmed, un juif d’origine espagnole. Ainsi que les renégats de Majorque, qui s’étaient installé à Alger, les Morisques, réfugiés d’Andalousie, et les Mozabite et Biskris qui travaillent à Alger.

Charles Quint confie l’armée de terre à Ferdinand de Gonzague, vice-roi de Sicile, avec le titre de capitaine général, et nomme Andrea Doria chef de la flotte.

Participèrent également à l’expédition : Le duc d’Albe, Ferdinand Alvare de Tolède, Camille Colonna, neveu du Pape, Hernán Cortès, conquistador de l’Empire Aztèque, et l’Hospitalier Nicolas Durand de Villegagnon.

En passant par la Corse, la Sardaigne et Majorque, Charles Quint rassemble ses forces, réunissant les flottes de Gênes, de Naples, de l’Ordre de Saint Jean de Jérusalem, qui transportent les troupes venues d’Espagne et des Pays-Bas.

Les troupes chrétiennes commencèrent à débarquer le dimanche 23 octobre sur la rive gauche de l’Oued El Harrach. Le lendemains, 24 octobre, l’armée commença à encercler Alger par le sud. Charles Quint envoya un ambassadeur du nom de Don Lorenzo Manuel à Hassan Agha pour lui demander de se rendre. Il arriva au port d’Alger avec un drapeau blanc, où il fut bien accueilli, mais ne réussit pas à convaincre l’Agha de se soumettre aux chrétiens sans combattre.

Le roi d’Espagne débarqua le dimanche 23 octobre dans ce qui est aujourd’hui la promenade de Sablettes, à Hocine Dey, et passa la nuit à El Hamma, l’actuelle Belcourt.

Les cavaliers du Sahel essayèrent d’empêcher en vain le débarquement, repoussés par l’artillerie navale.

La nuit était pluvieuse, et le camp des chrétiens fut attaquée de nuit par surprise les algérois, dirigés par Hadj Pacha. Ils firent beaucoup de morts et regagnèrent la ville.

Le lendemain, lundi 24 octobre, les chrétiens se mirent en marche vers la ville. Ils furent accueillis par des coups de canons, des balles et des flèches. Les soldats d’Alger sortirent de la ville et livrèrent bataille jusqu’à la nuit.

Les chrétiens s’installèrent à Tafourah, et prirent possession des collines autour d’Alger jusqu’au Frais-Vallon, après de violents escarmouches avec les habitants du Sahel.

L’empereur Charles Quint installa son quartier général près du marabout de Sidi Yakoub, sur la colline de fort l’empereur, alors appelée Koudiet es-Saboun, au-dessus de l’actuelle hôtel El Aurassi, dans ce qui deviendra le quartier des Tagarins.

Alger était encerclée, et en infériorité numérique. Hassan Agha à fait fouetter tous ceux qui parler de capituler.

Durant la nuit, croyant qu’Alger ne pouvait pas tenir, Hassan envoya un émissaire à Charles Quint lui demandant de permettre aux civils d’Alger de quitter la ville.

La pluie se mit à tomber en même temps qu’une forte tempête, qui mit à mal la flotte chrétienne.

Le mardi, de nombreux bateaux chrétiens périrent dans la tempête, fracassés contre les rochers avec à leur bord les tentes, les engins de siège et les provisions qu’ils n’avaient pas encore eu le temps de décharger. Les algérois se jetèrent sur les marins espagnols qui se sont réfugié sur le rivage, qu’ils taillèrent en pièce.

L’armée espagnole, sans tentes ni vivres, empêtrée dans la boue, prise au dépourvue, subit le feu nourrit des algérois. Les armes à feu, mouillées, ne pouvant plus servir, le combat se fait à l’arme blanche, si bien que les affrontements qui eurent lieux le mardi, près de Bab Azzoun, tournèrent à l’avantage des algérois.

Lors de cette journée de mardi, les italiens et les chevaliers de Malte furent presque décimés. Charles Quint alla en personne avec sa garde rapprochée au secours des chevaliers de Malte. A la fin de la journée, les algérois cueillirent tous les blessés que les chrétiens avaient abandonnés sur le champ de bataille.

Cette journée fut fatale pour l’armée de Charles Quint. 300 soldats furent tués et plus de 200 blessés grièvement.

Le mercredi 26 octobre 1541, Charles Quint est obligé de se replier vers Oued Knis. Harcelées par les algérois, les troupes espagnoles firent poursuivies jusqu’à Oued el Harrach, où quelques soldats sombrèrent dans les eaux de la rivière en crue. L’Oued est franchi le vendredi 28 octobre sur un pont de fortune fabriqué avec les restes des bateaux échoués sur la plage.

Les survivant de l’armée de Charles Quint mourraient de froid et de faim. Ils mangèrent 400 chevaux et passèrent la nuit sous des torrents de pluie, tandis que les algérois et les habitants du Sahel lançaient sur eux des attaques à l’improviste.

Ceux de l’armée chrétienne qui ne pouvaient suivre le rythme de la retraite, blessés, malade, ou coincés dans la boue, été recueillis par les habitants du Sahel. Ils seront tous mis à mort dans d’atroces conditions.

Sur les conseils de l’amiral Doria, Charles Quint donna l’ordre à l’armée de battre en retraite en direction de l’Est, vers Cap Matifou, à travers la boue et les rivières en crue. Il arriva au niveau des ruines romaines de Matifou le Samedi 29 octobre et commença à rembarquer le lendemain, toujours harcelé par les cavaliers kabyles.

Ces cavaliers kabyles dont parlent les sources, et qui prirent le relais de la cavalerie algéroise de ce côté-ci de l’Oued El Harrach, ne peuvent être que des kabyles de la Mitidja soumis à l’autorité d’Alger, ou des renforts envoyés par les Aït Abbes. Car le roi de Koukou qui contrôle la Haute Kabylie était passé dans le camp espagnol, et avait promis des renforts à Charles Quint.

Le mercredi 2 novembre 1541, toute les troupes de Charles Quint avaient quitter Matifou. Ils perdirent encore en route deux bateaux, emportés par les vagues.

Après le départ des espagnols, toute la plage d’Alger, en commençant par la ville jusqu’à Oued Knis, était couverte de corps d’hommes et de chevaux morts, et de navires fracassés. Les espagnols perdirent 12 000 hommes et 160 navires.

La tradition orale d’Alger à garder de cet épisode les légende de Sidi Ouali Dada, et de Sidi Bougdour.

C’est ainsi qu’Alger pris le titre d’El Mahroussa « المحروصة », la bien gardée, et d’Alger la protégée par Dieu « الجزاير المحمية بالله ».


Bibliographie

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