Amrabed

Massinissa et Scipion

Texte de Tite Live

Commencées déjà auparavant, les négociations touchant Massinissa avaient trouvé raison sur raison d’être différées parce que le numide voulait absolument rencontrer Scipion en personne, et lui serrer la main pour engager leur foi ; c’est pourquoi Scipion fit un voyage si long et un si grand détour. Massinissa, qui était à Gadès, informé par Marcius de l’approche de Scipion, prétexta que ses chevaux souffraient, enfermés dans cette île ; qu’ils étaient la cause, pour les autres êtres qui se trouvaient là, d’une disette générale, et la ressentaient eux-mêmes ; en outre, que ses cavaliers se rouillaient dans l’inaction afin d’obtenir de Magon la permission de passer sur le continent pour piller les régions d’Espagne les plus proches. Une fois là, il envoie à Scipion trois chefs numides, pour fixer le moment et le lieu de leur entretien. Il l’invite à en garder deux comme otages. Le troisième lui ayant été renvoyé, pour le conduire où on lui avait dit, les deux généraux arrivèrent au rendez-vous avec une petite escorte. Le numide avait déjà conçu, sur le bruit des exploits de Scipion, de l’admiration pour ce grand homme, et, il se l’était figuré aussi imposant et majestueux ; mais plus grand encore fut le respect dont il fut saisi en sa présence : outre que Scipion avait naturellement grand air, il avait pour parure une longue chevelure, une tenue non pas d’une élégance raffinée, mais vraiment virile et militaire ; il était à l’âge où les forces sort dans toute leur vigueur, une vigueur qui devait, chez lui, plus de plénitude et d’éclat à ce que la maladie venait, en quelque sorte, de faire refleurir sa jeunesse.

Presque stupéfait à son abord, le numide remercie Scipion d’avoir libéré le fils de son frère ; depuis ce moment, affirme-t-il, il a cherché cette occasion, qu’enfin, maintenant qu’un bienfait des Immortels la lui a offerte, il n’a pas laissé échapper ; il désire, ajoute-t-il, rendre service à Scipion et au peuple romain de telle façon que pas un étranger n’ait aidé Rome avec plus d’empressement ; quoiqu’il le désire depuis longtemps, il n’a guère ou le montrer en Espagne, sur cette terre étrangère et inconnue, il le montrera facilement, si c’est ce même Scipion que les romains envoient comme général en Afrique, il espère bien que Carthage ne vivra plus longtemps.

Scipion eut plaisir à le voir et à l’entendre, sachant que Massinissa avait été ce qu’il y avait de mieux dans toute la cavalerie carthaginoise, et voyant le jeune homme lui-même manifester ainsi ses sentiments. Les serments échangés, Scipion rentra à Tarragone ; Massinissa, ayant, avec la permission des romains, pillé, pour ne pas paraitre passé sans raison sur le continent, les terres les plus proche, rentra à Gadès.

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Tite Live, Histoire Romaine, Classique Garnier, Paris, VI, XXXV, pp. 273-275.

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