Amrabed

Mort

Les deux illustrations utilisées dans la vidéo ont été réalisées par :


Dans les sociétés à forte tradition comme la société kabyle, ou l’influence animiste est encore assez conséquente malgré des siècles d’islamisation, les questions liées à la mort et à l’au-delà occupent une place privilégiée.

La mort, appelée « lmut » ou « tamettant » en kabyle, est avant tout une entité, d tababayt, crée par Dieu, Bab Igenwan, ou Agellid Ameqqran. Elle est chargée par celui-ci d’ôter la vie à ceux ayant atteint le terme de leur existence.

Quand une personne âgée est mourante, près de sa fin, les anges accourent à son chevet, apportant une mesure, un boisseau, lkil en kabyle. Quand la mesure est pleine et qu’elle déborde, la personne en question mourra, on dira que son heure est arrivée, yewweḍ lajel-is.

Si une personne meure assassinée ou de manière accidentelle, que ça mort n’est pas de cause naturelle, on dira qu’elle est morte sans que sa mesure ne soit plaine, yemmut ur d-as-teččur. Des hurlements fantômes, nommé “anẓa” en kabyle hantera le lieu de son décès. Chaque année, la date de sa mort, on entendra l’anẓa du défunt sur le lieu du décès.

Nul ne sait à quoi ressemble la mort, on sait juste qu’elle peut se présenter sous deux forme :

  • Sous la forme d’une dame entourée d’un halo de lumière blanche, habillée d’un burnous, et armée d’un javelot, avec lequel elle arrache les âmes. Sous cette forme, la mort est appelée “Taqcaḥt“.
  • Ou alors sous la forme d’une d’un cheval ailé, de couleur blanche, entourée toujours d’un halo de lumière, et qui possède sur le front une immense corne avec laquelle elle arrache les âmes. Elle est appelée alors sous cette forme “Tamekkast“, c’est à dire “celle qui arrache”.
Tamekkast
Tamekkast
Taqcaḥt
Taqcaḥt

Là où passe la mort, pousse une espèce de laurier qu’on appelle “le laurier blanc“, “ilili amellal“. C’est un arbuste qui est aujourd’hui largement cultivé et qui sert d’arbre décoratif, mais on racontait jadis qu’il ne faillait jamais laisser pousser les fleurs blanches de cet arbuste, car elles annoncent des morts en masse, en grande quantité. On raconte que cette espèce de laurier a été aperçu du coté de Sidi Aiche, sur les bords de la Soummam, juste avant la guerre de 1954.

Petite anecdote. J’ai moi-même aperçu cet arbuste dans la nature au retour d’un bivouac à Tala Rana, sur les hauteurs de Saharidj, sur les flancs du Massif de Lalla Khedidja dans le Djurdjura, comme par hasard, a peine quelques semaines avant les incendies meurtriers d’août dernier, en Kabylie.

Aujourd’hui, il y a confusion entre la mort elle-même, et l’ange de la mort, Azraël, Ɛezrayen en kabyle. La notion d’ange de la mort n’est apparue chez nous qu’avec l’avènement du monothéisme, plus particulièrement l’Islam. Azraël est un terme hébraïque, עֲזַרְאֵל, arrivé chez nous sous la forme arabisée عزرائيل, qui a donné ensuite Ɛezrayen. Azraël est l’ange de la mort, et non pas la mort elle-même, alors que tamettant n’est autre que la personnification de la mort, au même titre que Thanatos dans la mythologie grecque.

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