Amrabed

Taεacurt – L’Achoura kabyle

Di tazwara, ass mi mazal tedder Yemma-s n ddunnit gar warraw-is, yufa-d l ḥal teslal-d akraren seg yirden. Tessefhem-d tweṭṭuft imdanen bellik ikerri yettwaxleq i tmezla, akken ad d-imzel deg yiwen lmusem, ass n lɛid ameqqran. Lameɛna, yiwet teɣruḍt, takerciwt, amezzuɣ, akk d yiwet tiṭ n yikerri imezlen ilaq ad ttwafesren i yiṭij, ilaq ad ten- ḥerzen ayyur d ɛecr-iyyam i lmusem niḍen.

Lmusem-ayi d taɛacurt, yettas-d ayyur d ɛecr-iyyam deffir lɛid ameqqran. Di lmusem-ayi, ad nečč acedluḥ i neffer seg yikerri n lɛid. D lmusem n lxuf d urgigi, axaṭer win izedmen, neɣ yexdem tafellaḥt, neɣ yeqdec kra deg telt-iyyam n tɛacurt, yeɣra ɣef uqerruy-is, d argigi alma yemmut.

A l’aube de l’humanité, lorsque que la Première Mère du monde vivait encore parmi ses fils, il arriva qu’elle créa accidentellement des moutons à partir de la farine. La fourmi expliqua aux hommes que le mouton est un animal sacrificiel qu’on doit immoler à une date fixe, le jour de la grande fête du sacrifice. Mais une épaule, l’estomac, une oreille, ainsi qu’un œil du mouton sacrifié doivent être mis à sécher au soleil, après avoir étés salés. Ils doivent être gardés ensuite pendant un mois et dix jours pour une autre fête.

Cette fête s’appelle taɛacurt et se célèbre un mois et dix jours après la fête du sacrifice. C’est au cours de cette fête que seront consommées les parties du mouton salées et conservées. C’est la fête de la peur et des tremblements, car celui qui coupe du bois, ou travaille aux champs, ou s’adonne à n’importe quelle activité pendant ces trois jours, dépérira inéluctablement, après une violente crise de tremblements.

Taεacurt est fêtée le 10 eme jour du premier mois du calendrier lunaire musulman, le calendrier hégirien. Elle commémore la sortie d’Egypte de Moïse, et correspond ainsi au Yom Kippour יוםהכיפורים des juifs, mais correspond également au massacre de l’imam Hussein, petit fils du prophète de l’islam, lors de la bataille de Kerbala en 680.

Mais dans la tradition kabyle, aucun de ces deux événements n’est retenu. C’est traditionnellement l’occasion de répartir l’aumône légale, la zakat, entre les zaouïas, timεemmrin, les pauvres et les marabouts, ce pourquoi la zakat est désignée en Kabylie sous le terme « leεcur ».

A l’approche de l’Achoura, les notables du village se réunissent et collectent les cotisations pour le sacrifice rituel, timecreḍt. Les chefs de familles remettent l’argent à l’amin du village. Le plus souvent on achète du bétail qu’on sacrifie, après quoi la viande est repartie équitablement entre les familles du village. Mais il arrive que ce soit du blé qui soit acheté et partagé à la place de la viande, si l’assemblée du village conclut que l’ont manque de blé et non de viande.

Une fois l’argent collecté, on désigne une personne de chaque famille du village pour aller au marché acheter le bétail, ou le blé, ainsi toutes les familles sont représentées au cours de la transaction.

Il est interdit de coudre ou de tisser de la laine deux jours avant l’Achoura. Durant ces deux jours, à partir du début de l’après-midi, tout travail non indispensable est également interdit. Ne sont autorisés que les travaux indispensables comme la cuisine et la lessive.

Le jour même de l’Achoura tout travail tel qu’il soit est formellement interdit. Celui qui ne respecte pas ces interdictions soufrera de tremblement pour le restant de ces jours.

La veille de l’Achoura les personnes âgées jeunent. Les hommes prennent un bain, se rasent la tête et la barbe, et leurs vêtements sont lavés.

Les femmes nettoient soigneusement toute la maison ainsi que tous les ustensiles. Tout doit être parfaitement propre le jour de l’Achoura.

La veille de l’Achoura est également l’occasion de fêter des mariages et des circoncissions.

Le jour de l’Achoura, on mange un plat de couscous fait avec la viande salée qu’on a mis à sécher au soleil le jour de l’Aïd, car le jour de l’Aïd, on met de côté l’épaule droite du mouton pour la manger le jour de l’Achoura.

La maitresse de la maison conservera l’os de cette épaule pour le cacher dans le grenier à grain, akufi, pour que s’y manifeste la baraka, après l’avoir laisser passer la nuit dehors au clair de lune.

Le matin on prépare des crêpes. Les hommes se rassemblent pour égorger les bêtes et partager la viande.

Durant l’après-midi, les enfants font du porte à porte pour demander des crêpes. Devant chaque maison, ils chantent des couplets traditionnels pour qu’on leur donne des crêpes.

A yemma tamɣart

Efk-aɣ kra n uḥeddur

Ad m-yeḥrez Ṛebbi abɣur

Nca-Llah ad yemɣur

Ɛacur ! Ɛacu r!

Efk-aɣ kra n ufḍir

Ad m-yeḥrez Ṛebbi win tebɣiḍ

Di leεnaya n yemma Ɛacur d bab n yiḍ

Hayu ! Hayu !

Lalla mm-ifzimen !

Ssufeɣ-d argaz inem

Ad s-nεiwed idrimen

Kemmini d tasedda netta d izem !

Au coucher du soleil les hommes se réunissent une 2eme fois pour emporter leur part de viande, puis tout le village se rend à la mosquée.

Le cheikh du village se place en première ligne avec les tolbas et les marabouts, suivies des vieillards en 2eme ligne, les jeunes gens en 3eme ligne, et en fin les femmes. Une prière collective est alors célébrée suivie d’une récitation collective de versées coraniques.

Ceux qui le peuvent apportent à la mosquée des plats de couscous. Tous les membres du village dégustent alors ensemble ce diner collectif à la mosquée une fois la prière achevée. Une fois rassasiés, on récite des incantations.

Le cheikh, les tolbas et les marabouts se tiennent par la main, et récitent des vœux et des prières pour les assistants, les donateurs de couscous et pour le village. Cette dernière prière s’appelle ameεruf.

Ṛebbi Aḥnin, Krim, d Awḥid, yesddukel medden akk, Bab n ddunnit, ad ɣ-yeḥrez, ad ɣ-yemneɛ di lḥeslat neɣ di lewqat, nca-Llah ad ɣ-yesseɣzif leɛmer, ad ɣ- yeqbel ddeɛwa-agi mi ara nedɛu.

Les assistants répondent par « amin », et on se sépare.

Un souper est alors dégusté à la maison, en prenant soin d’inviter les proches et les amis.

Une fois le souper fini, la mère de famille prend un petit plat dans lequel elle met un peut des deux mets du repas, à savoir du couscous et des crêpes, ainsi qu’un petit morceau de viande, et le dépose dans la soupente, taεrict. C’est la part de la tawkilt, dont j’ai parlé dans une précédente vidéo.

La nuit de l’Achoura, on allume des bougies toute la nuit dans les mosquées, dans les rues du village et dans les sanctuaires, les koubbas « tiqerrabin », et les lieux habités par les esprits gardiens, iεessasen.

Le lendemain, on visite les koubbas, tiqerrabin, les mausolées des sains, dans lesquels on organise une zerda, une fête.

Le soir, on retour chez soi, et ainsi s’achève l’Achoura.

Bibliographie

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *